Personnalité crypto: Jonathan Hamel

David Nathan
| 6 min read

Photo: Jonathan Hamel

Fondateur de l’Académie Bitcoin, chercheur associé à l’Institut Économique de Montréal, Jonathan Hamel est un pionnier de la communauté Bitcoin au Canada qui contribue depuis 2013 à la sensibilisation autour de la technologie Bitcoin.

Cryptonews: Quel est votre background?
Jonathan Hamel: J’ai un background en réseautique, sécurité informatique, implantation de moyens de paiement mobiles et commerce électronique.

Comment êtes-vous arrivé dans l’univers des cryptomonnaies?
En 2011, j’ai entendu parler du Bitcoin, mais je n’ai pas creusé plus loin. En 2012 c’est revenu dans l’actualité, je me suis alors rendu compte que ce que je pensais être une entreprise, un projet commercial, était en réalité un protocole informatique très complexe.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans Bitcoin?
Son côté open source, décentralisé, le fait que ce soit un protocole neutre. C’est un véritable “Rabbit Hole” comme on dit souvent, une fois qu’on met le nez dedans, on n’en sort plus, il y a tellement de choses à apprendre et à découvrir. Je pense qu’aujourd’hui, c’est le projet le plus excitant et le plus cool du web. Ce qui m’a plu aussi c’est l’aspect rigoureux, il n’y a pas de bullshit dans Bitcoin, pas de figure qui soit intouchable, c’est très égalitaire et si tu apportes une contribution technique intéressante par exemple, tu peux y faire ta place, c’est la vraie méritocratie. Ça contrebalance bien avec l’internet trop corporatif, l’école de la Silicon Valley notamment.

Vous êtes fondateur de l’Académie Bitcoin. Quel est son mandat principal?
C’est une firme de consultation. On travaille avec le monde institutionnel, les banques, les fonds d’investissement, mais aussi avec les firmes de minage, on les assiste sur le plan réglementaire.

Que pensez-vous du buzz autour de la blockchain?
Je pense que c’est une bulle qui vient d’éclater. Il y a eu plein d’argent qui a été dépensé dans ce secteur, mais les cas concrets d’usage sont limités. L’idée de vouloir faire des blockchains privées relève pour moi de l’oxymore. À part l’initiative de Microsoft sur l’identité personnelle et quelques cas limités comme la notarisation ça ne fait pas vraiment de sens.

Vous êtes également chercheur associé à l’Institut Économique de Montréal, quel est son rôle?
C’est un Think Tank qui valorise les solutions de marché. Il appartient à l’école autrichienne économique qui prend notamment en compte la notion de la valeur subjective. L’Institut s’intéresse aussi aux politiques publiques.

Montréal essaye de plus en plus de se positionner comme LA ville Bitcoin. Qu’est-ce qui justifie selon vous cette prétention?
Il y a plusieurs choses selon moi. Tout d’abord c’est une destination très cosmopolite, c’est la porte d’entrée de l’Europe vers les États-Unis. Il y a d’autre part un incroyable bassin de 250 000 étudiants universitaires toutes concentrations confondues, 2e ville étudiante en Amérique du Nord après Boston. Ce qui a aussi aidé, c’est la vague réglementaire qui s’est produite en 2013 aux États-Unis. Le Canada a émergé alors comme une terre de rechange. La conférence Scaling Bitcoin de 2014 a également contribué à mettre Montréal “sur la map”.

La province de Québec a-t-elle une chance de devenir un endroit où le minage va se développer et s’imposer?
Au Québec, on a beaucoup d’actifs pour être une destination de rêve, on a du surplus énergétique, de l’énergie propre et renouvelable et un climat favorable. Le problème est le climat politique qui a été mauvais. On a fait face avec le Ministre Moreau à de l’immobilisme, Hydro-Québec a malheureusement fait volte-face et les investisseurs ont horreur de cette instabilité-là. Il y a déjà assez de volatilité dans Bitcoin.

Comment voyez-vous Bitcoin à moyen terme? Comme une valeur refuge, un “or numérique” ou bien un actif qu’on va utiliser dans la vie de tous les jours?
L’industrie est encore jeune et se développe peu à peu, mais je vois un grand intérêt de la part des plus jeunes qui ne remettent pas en question la nature intrinsèque de Bitcoin, ni sa valeur. Pour toute une génération, Bitcoin peut représenter un entrepôt de valeur extrêmement intéressant de par ses caractéristiques de transmissibilité, de fongibilité et le fait d’être programmable. C’est aussi une opportunité d’investissement avec un retour potentiel asymétrique énorme dans les 5 ou 10 prochaines années. Bitcoin a également un fort potentiel comme méthode d’échange. Ce qui est fait avec le Lightning Network est très intéressant, ça apporte le chaînon manquant, c’est la couche transactionnelle d’internet. Il manquait cette couche neutre. Les gens vont utiliser Bitcoin sans même s’en rendre compte de la même manière qu’ils surfent sur internet sans savoir qu’ils utilisent le protocole TCP/IP.

Que pensez-vous de Libra, la cryptomonnaie de Facebook?
Je trouve que Libra est quelque chose de très positif pour Bitcoin. Tout d’abord, je pense que Libra n’est pas un concurrent de Bitcoin, mais plutôt un concurrent de Western Union, Visa et autres Mastercard. Libra vise selon moi le marché du transfert international d’argent. Ce qui est positif c’est que ça pousse le grand public à la réflexion. La monnaie doit-elle être la propriété de l’État? La réflexion est engagée. Finalement, Libra pourrait être une plateforme d’entrée pour Bitcoin.

Quelle est la place de la régulation pour Bitcoin? Quelle forme devrait-elle prendre?
Bitcoin est déjà réglementé comme produit d’investissement. Bitcoin n’échappe pas aux lois fiscales en vigueur : si vous le vendez à profit, vous devez payer la taxe sur le gain en capitale. Si vous vendez un produit ou un service, vous devez percevoir (ou payer) les taxes de ventes. En ce qui concerne le blanchiment d’argent, et la lutte antiterroriste, il existe déjà des protocoles établis par des organismes dépendants du ministère de la justice et des finances. Ils ont des guidelines, que ce soit pour les guichets automatiques, les exchanges cryptos, toutes les entreprises commerciales qui utilisent Bitcoin. Aucune réglementation additionnelle n’est nécessaire.

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