Alex de Vries, le meilleur ennemi de Bitcoin

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Photo: iStock / da-kuk

Note de la rédaction de Cryptonews: cet article est une tribune accordée à notre collaborateur Sébastien Gouspillou, spécialiste du minage qui a déjà écrit pour notre site, notamment cet article «Le Bitcoin ne fera pas rôtir la planète».

Il prend aujourd’hui la parole en réaction à un article qui a été publié récemment sur le site de Radio-Canada intitulé “Le bitcoin génère plus de déchets électroniques que le système bancaire”.

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Radio-Canada et quelques autres ont complaisamment repris l’étude à charge de Digiconomist sur les déchets électroniques dûs au minage de Bitcoin.

Si cette question méritait d’être abordée, elle aurait dû l’être avec sérieux, pas à la sauce de Vries qui, comme d’habitude, compile des chiffres qu’il sort de son chapeau pour nous livrer une conclusion catastrophiste: Bitcoin, après avoir pollué la planète au charbon, va maintenant la faire crouler sous les Asics. Mais avant de nous livrer ses nouvelles découvertes sensationnelles, le «chercheur» ou «l’économiste» comme le désigne Radio Canada, ne peut s’empêcher d’évoquer «l’empreinte électrique» (je cite) par transaction de Bitcoin et de la comparer à celle du système bancaire ; il sait que c’est à peu près aussi pertinent que de comparer l’empreinte C02 de l’équipage du Falcon Heavy avec celle des passagers du car de Vierzon-Vesoul, mais qu’importe ; il peut même aller plus loin dans l’outrance et demander, au sujet des surplus d’Hydro-Québec vendus aux mineurs «cette énergie ne pourrait-elle pas servir à nettoyer la grille énergétique sale des voisins du sud ?».

Pour de Vries, qui est aussi expert en infra électriques qu’il l’est en minage, les MW se stockent dans des piles et s’envoient par la poste… Comme ses calculs et ses extrapolations sur l’empreinte carbone de Bitcoin ont été abondamment réfutés, on est en droit de douter de la rigueur de cette nouvelle «étude». Voyons ce qu’elle dit: pour résumer, il y a beaucoup de machines de minage, 4 millions; ces machines sont remplacées tous les 18 mois par une nouvelle génération. On recycle 20% seulement de leur masse, donc, d’ici à 2050, il y aura 1 million de tonnes de déchets asiqués. Pas moins, flippant, non ?

On retrouve la règle de trois chère à l’auteur, et la même légèreté dans le choix des chiffres utilisés. Accordons-lui que le chiffre de 4 millions d’unités est cohérent, c’est le seul. Celui du rythme de remplacement est tout à fait fantaisiste; certes, la technologie évolue, mais pas tous les 18 mois comme il l’affirme. Le S9 qui représente à date la majorité du minage mondial est sortit en 2016, et n’est pas près de s’éteindre. On trouve en exploitation des T9 en Iran ou des S7 en immersion Cooling en Russie… des matériels qui ont respectivement plus de 3 et 4 ans, et qui, selon la règle de Digiconomist, devraient être à la casse depuis belle lurette ; or, ils font partie des 4 millions cités plus haut.

De même, le taux de recyclage des matériaux retenu par de Vries (20%, la moyenne pour les équipements électroniques) aurait mérité d’être affiné dans un petit effort bienvenu, pour une étude portant spécifiquement sur le sujet. En effet, qui peut penser qu’un Asic de 5 kg, dont tant la carrosserie que les radiateurs sont en aluminium, serait aussi difficilement recyclable qu’un smartphone?

Donc, pour bâtir une étude sensationnelle qu’il va pouvoir fourguer à une presse qui ne se méfie pas encore de ses élucubrations, Alex nous sort de son chapeau trois hypothèses bidons : l’évolution du matériel tous les 18 mois, le remplacement systématique de tous les matériels quand la nouvelle technologie sort (donc tous les 18 mois), et un taux de 20% pour le recyclage des Asics.

Tout ça étalé sur 50 ans, de manière linéaire sans tenir compte de la miniaturisation des composants ni d’aucune évolution technique, ça nous emmène évidemment vers une chaîne de montagnes d’Asic, un Himalaya sans glacier vu que le minage les aura fait fondre, 1 million de tonnes de déchets, une cata écologique de plus pour l’affreux Bitcoin! On l’a compris, on devrait pouvoir diviser ce chiffre par 5 sans heurter la communauté scientifique internationale ; on pourrait aussi comparer ce chiffre aux 150 millions de tonnes de bouteilles plastiques que produirait le seul Coca-Cola sur la même période, histoire de relativiser…

D’aucuns disent que de Vries roule pour les banques, qu’il est un troll sponsorisé; le titre de l’article «BTC génère plus de déchets électroniques que le système bancaire» tendrait à le confirmer ; pourtant, on peut en douter tant sont paresseuses ses études et indigentes ses réflexions ; il est clair que l’industrie bancaire peut se payer beaucoup mieux. En fait, il ne roule pas pour le système ; il est tout à sa glorification personnelle, inscrite dans son combat anti-Bitcoin : il fut cité et vu dans des revues scientifiques comme dans des journaux télévisés des quatre continents, il compte bien ne pas sombrer dans l’oubli… alors il récidive, quitte à s’enfoncer dans l’absurde.

Reconnaissons-lui de mettre le doigt sur une problématique inquiétante, le recyclage des appareils électroniques. La goutte d’eau des Asics dans l’océan des produits électroniques éphémères peut être alarmante, c’est dire s’il est temps de réfléchir à ce sujet des e-déchets et à nos modes de production et de consommation.

Bitcoin propose un autre système monétaire, donc un autre modèle économique, où l’obsolescence programmée n’aura pas forcément sa place…

Comme il nous avait poussé à démontrer que le minage était une chance pour la transition énergétique, l’idiot utile nous conduit à réfléchir au scandale de l’obsolescence programmée, pure aberration d’un capitalisme de connivence que Bitcoin entend combattre. Finalement, Alex de Vries est une bénédiction pour Bitcoin; avec de tels ennemis, BTC n’a pas besoin d’amis.

Avertissement. Cette chronique ne reflète pas nécessairement l’opinion de CryptonewsFR et les propos qui sont tenus n’engagent que son auteur.