Cryptonews Articles Les défis liés à l’adoption du Bitcoin (BTC) par le Salvador

Les défis liés à l’adoption du Bitcoin (BTC) par le Salvador

Corinne R.

Juin 26, 2023 13:06 UTC+2 | 6 min read

L’adoption de Bitcoin comme monnaie légale par le Salvador est un événement historique pour la communauté crypto. Le choix de Bitcoin est particulièrement significatif si l’on considère que la seule monnaie ayant cours légal dans le pays est le dollar américain. L’ancien président Donald Trump a commenté : “le Bitcoin, ça ressemble juste à une escroquerie. Je n’aime pas ça parce que c’est une autre monnaie en concurrence avec le dollar… Je veux que le dollar soit la monnaie du monde.” Cette déclaration résume bien les risques géopolitiques associé à la perte de la position prééminente du dollar : l’utilisation de ce dernier comme principal moyen d’échange dans les transactions internationales offre d’énormes avantages aux Etats-Unis et le recours à une autre devise, que ce soit le yuan ou Bitcoin, aurait des conséquences désastreuses pour l’économie américaine.

Les facteurs qui ont poussé Nayib Bukele à se tourner vers Bitcoin (BTC)

Les relations diplomatiques entre le Salvador et les Etats-Unis sont loin d’être cordiales. Plusieurs missions diplomatiques menées par Washington et ses envoyés se sont soldées par un échec. La décision de l’USAID de suspendre son assistance à la police nationale du Salvador pour “réorienter les fonds vers des groupes de la société civile” semble avoir été le point de rupture entre les deux pays.
Les Etats-Unis ont accusé le président et plusieurs de ses alliés de corruption, d’autoritarisme et de violation des droits de l’homme. Pourtant, M.Bukele semble très populaire auprès des Salvadoriens. De plus, les conséquences désastreuses de la politique américaine en Amérique latine fournissent de nombreuses raisons d’être sceptique quant aux tentatives de délégitimer le président élu.

Quoiqu’il en soit, le dollar reste l’élément qui continue de lier le Salvador à Washington. Le président salvadorien a réitéré que le dollar américain resterait une monnaie légale dans le pays. En effet, interrogé par Nic Carter lors de sa récente session live avec la communauté crypto, M.Bukele avait affirmé que son but n’était pas la dédollarisation de l’économie du pays.

Pedro Mendes Loureiro, maître de conférences et directeur de thèse au Centre d’études latino-américaines de l’Université de Cambridge, a déclaré à Cryptonews.com que le choix de M.Bukele s’explique en partie par “son profil jeune et orienté vers la technologie.” Il a également ajouté que le raisonnement du président s’appuie sur le rôle que jouent les transferts de fonds des migrants en provenance des Etats-Unis sur l’économie (qui auraient atteint un niveau record de 5,92 milliards en 2020).

Réactions et défis

Comme attendu, la plupart des réactions à l’annonce du président sont loin d’être encourageantes. Gerry Rice, un porte-parole du FMI avait noté que la décision du président était préoccupante et soulevait un certain nombre de questions macroéconomiques, financières et légales. Les analystes de JP Morgan ont indiqué qu’il est “difficile de voir quels seront les bénéfices économiques tangibles associés à l’adoption de Bitcoin”.
Du côté de la banque des banques, le responsable du hub innovation de la Bank of International Settlements (BIS), Benoît Coeuré, a remarqué que cette expérience serait intéressante : toutefois, il note que la BIS ne considère pas Bitcoin comme un moyen de paiement. “Bitcoin est un actif spéculatif”, a-t-il déclaré “et doit être régulé comme tel”.
Loureiro a ajouté que si Bitcoin pouvait faciliter les transferts des fonds des migrants, les frais de transaction pour les achats du quotidien pourraient se révéler prohibitifs.

D’autres experts financiers du pays ont également fait part de leurs doutes : l’économiste Luis Membreño estime que “la volatilité du Bitcoin va introduire une distorsion macroéconomique dans le pays.”

La commentatrice du secteur financier, Frances Coppola, a noté que la réussite de la politique adoptée par M.Bukele dépendra en partie de l’adhésion des grandes entreprises, ce qui explique les nombreuses interventions du président sur les réseaux sociaux : Bukele et ses alliés semblent désireux de convaincre les crypto-entrepreneurs de s’installer au Salvador, et ont promis de nombreux facilités, y compris des allégements fiscaux, aux intéressés. Avec l’utilisation de centrales géothermiques pour le minage, le pays pourrait bientôt devenir un nouveau hub pour les mineurs dans le contexte de répression des mineurs observé en Chine.

Comme l’a noté Paolo Ardoino, CTO de Bitfinex, il est indéniable que Bitcoin a trouvé un écho dans les pays d’Amérique Latine minés par les difficultés économiques au cours de ces dernières années. “Le potentiel qu’il a pour apporter la liberté financière à la région ne doit pas être sous-estimé”, a-t-il remarqué. Les yeux sont désormais tournés vers le Salvador : le succès de son modèle pourrait amener d’autres pays à adopter celui-ci, même si de nombreuses questions demeurent en suspens, notamment en ce qui concerne les détails législatifs et la taxation.

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