Fabien Aufrechter, le Monsieur blockchain d’Havas

David Nathan
| 7 min read

Fabien Aufrechter, responsable d’Havas Blockchain

Après des études qui l’ont mené au Trinity College Dublin (Irlande), à la Sorbonne, à HEC Paris et au CELSA, Fabien Aufrechter rentre comme stagiaire au sein du pôle influence d’Havas Paris, une agence qu’il ne quittera pas. Il est aujourd’hui à la tête d’Havas Blockchain. Cryptonews a voulu en savoir plus sur cette entité qui accompagne notamment les projets blockchain de bout en bout.

Cryptonews: Comment est né Havas Blockchain, qu’est-ce qui a motivé la création d’une telle offre?
Fabien Aufrechter: C’est sur le terrain et en mettant les mains dans le cambouis pour quelques startups que j’ai vraiment découvert les dessous de l’intelligence artificielle, du Machine learning, du big data…et bien sûr de la blockchain.

Parmi les startups dont j’étais proche depuis longtemps, l’une en particulier a connu une croissance fulgurante au point de devenir une référence sur le marché français : Blockchain Partner. Ce fut sans conteste l’une de mes portes d’entrée sur la blockchain et la crypto.

Et lorsqu’en 2017 Blockchain Partner m’a fait part de besoins de certains de leurs clients que d’être accompagné à l’international sur des campagnes de communication visant à promouvoir leurs levées de fonds en crypto-actifs (ICOs), j’ai saisi l’opportunité. Nous avons d’abord accompagné ensemble des clients avant que les choses se structurent progressivement au sein d’Havas sous la forme d’une offre dédiée.

Quel est le périmètre des activités d’Havas blockchain ?
Jusqu’aujourd’hui, nous proposions une offre de communication et marketing à destination des ICO et projets blockchain. Nos premières campagnes notamment pour Talao, Sandblock et Chain Accelerator ont connu un beau succès à l’international, ce qui nous a d’ailleurs permis de décrocher il y a quelques semaines à Beijing le «Blockchain Innovation Marketing award 2018».

Mais aujourd’hui, je suis fier de pouvoir annoncer un renforcement de nos activités avec le lancement d’une offre d’accompagnement technologique réalisée au sein de notre Groupe par l’agence ekino, présente en France, à Londres, à New York, à Bangalore, à Singapour et au Vietnam. Désormais, nous sommes en mesure d’accompagner les projets blockchain de bout en bout en incluant du conseil stratégique, un conseil agnostique sur les technologies, des solutions d’audit technique (due diligences, sécurité, etc.) et une offre de prototypage, de développement et d’industrialisation de projets.

Y a-t-il une sélection des ICO qui sollicitent Havas Blockchain? Si oui, sur quels critères?
Avant l’été, nous recevions près de 100 sollicitations par semaine ce qui était absolument improbable ! Nous avons donc mis en place une sélection très stricte des projets que nous accompagnons. Une partie de nos critères sont publics: nous vérifions la structure de l’opération, les documents de référence, le token model, la vision et la logique d’engagement de la crypto-communauté, l’equity story, le calendrier de l’opération, son caractère international, son bon respect des régulations en vigueur sur les marchés adressés, le background de l’équipe, etc. Notre spécificité est de toujours nous faire payer au moins une partie de nos honoraires en tokens afin de nous positionner en partenaire et non pas seulement en conseil des projets que nous accompagnons.

L’image des ICO a été beaucoup associée à des affaires de scams dans les mois passés. Est-ce que les choses changent dans le bon sens?
La chute des cours crypto et l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché des ICOs a déjà entraîné ces derniers mois une professionnalisation du secteur et de ces opérations. Il y a et aura toujours des arnaques (scams) mais le volume d’opérations responsable évolue à la hausse – ce qui est une bonne nouvelle.

Pour ma part, je suis assez confiant : les choses évoluent rapidement avec l’investissement du champ des ICOs par de grandes entreprises, l’arrivée prochaine de nouvelle liquidités avec la structuration de fonds crypto professionnels puis la transformation des opérations. Je crois par exemple que si l’année 2018 fut celle des ICO, l’année 2019 sera celle des STO (émissions de security tokens). Sans compter que d’après le FMI, les prochaines années devraient également être aux cryptomonnaie nationales…

Quelle est ta vision sur nos sociétés dans les prochaines années? Vers des solutions blockchain de plus en plus présentes? Des cryptomonnaies qui supplantent les banques?
Ce n’est sans doute pas original mais je pense que demain, la blockchain sera comme le protocole TCP/IP aujourd’hui : une technologie complètement indolore que tout le monde aura adopté sans même s’en être vraiment rendu compte. Et cela parce qu’elle sera plus sûre, plus transparente, plus rapide et moins chère.

Par contre, je ne crois absolument pas que les crypto-actifs supplanteront les banques. Je fais au contraire le pari que les banques se saisiront bientôt de l’opportunité. Car aujourd’hui, toutes les offres de stockage de crypto-actifs sont trop lourdes ou trop complexes pour le commun des mortels…là où un stockage simple et régulé (incluant KYC, AML, etc) constitue le métier cœur des banques.

Penses-tu que Paris sera la capitale mondiale des ICO ?
Nous assistons aujourd’hui, comme hier par exemple sur les sujets de finance verte ou de private equity, à une course entre les places financières mondiales. Tous les pays veulent devenir la capitale de la crypto pour bénéficier des investissements.

Mais force est de constater que la liquidité crypto est négligeable en Europe. Donc nous ne pourrons pas rivaliser à court terme avec la Corée, la Russie ou le Japon. La solution ? Se spécialiser. Et le Gouvernement l’a visiblement bien compris en privilégiant le segment entrepreneurial. C’est une vraie chance que le Gouvernement et les régulateurs se soient emparés du sujet : je pense que cela propulsera notre pays durablement dans la «crypto-économie». Restera seulement à voir dans la durée si les dispositions fiscales et comptables seront suffisamment attractives comparées à d’autres pays (Estonie, Malte, etc). Mais nous pouvons déjà nous féliciter de ne pas avoir raté le train en marche !

Un dernier mot sur l’écosystème blockchain et crypto en France ?
L’écosystème crypto et blockchain français est parfois considéré comme morcelé. Je reste pour ma part assez confiant et continue de considérer que la France garde un temps d’avance en matière d’accompagnement des opérations en crypto-actifs. Pourquoi ? parce que l’écosystème y est inédit et reste l’un des plus professionnalisé. Nous avons des clients qui viennent à Paris depuis l’autre bout du monde pour trouver des experts en «token economics», des développeurs, etc.

C’est d’ailleurs dans cette logique que nous avons structuré Havas Blockchain: faute d’être sûrs que Paris devienne bel et bien la capitale mondiale des ICO (seul l’avenir nous le dira), nous ferons tout notre possible pour qu’avec Havas Blockchain, la France compte bientôt dans ses rangs l’un des géants du conseil de bout-en-bout sur les technologies blockchain.

Plus d’informations: Havas Blockchain.

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