Yorick de Mombynes, un des meilleurs vulgarisateurs francophones du Bitcoin

David Nathan
| 11 min read

Le Bitcoin (BTC) est encore très jeune (13 ans) et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a encore un gros travail de vulgarisation à faire auprès du grand public. Expliquer tout le potentiel du BTC, ses fondamentaux, ses limites actuelles ou encore ses perspectives d’évolution à court et moyen terme n’est pas une mince affaire. Il existe heureusement des passionnés qui ont un sens de la pédagogie aigu et qui parviennent avec une facilité déconcertante à transmettre leur savoir et à rendre le Bitcoin compréhensible au plus grand nombre. Yorick de Mombynes, conseiller référendaire à la Cour des comptes et chercheur associé à l’Institut Sapiens fait partie de cette catégorie. 

À l’instar d’un Andreas Antonopoulos, celui qui a enseigné l’économie et la philosophie politique à l’IEP répond toujours présent quand il s’agit de parler du Bitcoin ou du Lightning Network sur la scène d’une conférence à Biarritz par exemple ou à travers des travaux de vulgarisation comme il l”a fait avec Comprendre le Lightning Network, un document réalisé pour l’Institut Sapiens et qui explique très bien le fonctionnement du LN.

Cryptonews a voulu en savoir plus sur le parcours de cet excellent passeur de savoir, découvrir ses points de vue sur le Bitcoin et le LN bien sûr, mais également sur les autres thèmes majeurs de la cryptosphère. Voici notre interview exclusive de Yorick de Mombynes.

Yorick de Mombynes, conseiller référendaire à la Cour des comptes et chercheur associé à l’Institut Sapiens. Photo:  Nicolas Fagot- Studio 9

Cryptonews: Qu’est-ce qui amène un conseiller référendaire à la Cour des comptes à s’intéresser aux cryptomonnaies?
Yorick de Mombynes Je m’intéressais auparavant à la théorie monétaire, aux nouvelles technologies et aux philosophies de la liberté, donc j’ai rapidement trouvé dans cet objet nouveau une occasion de concilier ces différents intérêts. C’est aujourd’hui une passion extra-professionnelle (la Cour des comptes ne s’occupe pas de sujets monétaires). 

Quel a été votre premier contact avec la cryptosphère? 
Je me souviens d’avoir lu, fin 2015, le dossier de The Economist sur la blockchain et les cryptos, qui a été le premier grand dossier de la presse économique internationale sur ces sujets. J’ai trouvé cela intéressant mais un peu trop compliqué pour moi. C’est en discutant avec un ami, au début de l’année 2016, que j’ai décidé de creuser un peu plus, et je suis alors tombé dans le « rabbit hole ». J’ai lu un peu tout ce que je pouvais et suis allé dans de nombreux meetups où j’ai rencontré des connaisseurs passionnants et passionnés, comme Marco de www.bitcoin.fr, la jeune et brillante équipe de ce qui est devenu Blockchain Partner, et tous les piliers du Cercle du Coin. J’ai notamment participé au « BlockFest », le premier hackathon sur la blockchain en France, en juin 2016 à l’Ecole 42 (j’ai même eu la surprise de me retrouver dans l’équipe gagnante – sans y comprendre grand-chose, il faut bien l’avouer). 

Quelle fut votre “porte d’entrée” dans cet univers ? Bitcoin ? La blockchain ? Le minage ? 
Cela a été la dimension monétaire de cette révolution. Ensuite, j’ai essayé de m’ouvrir aux autres dimensions (la « révolution blockchain ») mais ai progressivement l’impression d’être moins convaincu par cet aspect, et je suis revenu au sujet de la transformation historique de la monnaie. 

Qu’est-ce qui vous a surtout intrigué ou plu dans Bitcoin ? 
J’ai ressenti une excitation intellectuelle intense en essayant de comprendre son fonctionnement technique. Je ne connaissais absolument rien à l’informatique et à la cryptographie, j’ai découvert ce qu’était un logiciel open source, une fonction de hachage, une clé publique, etc. J’ai regretté de ne pas avoir plus de bases techniques pour comprendre. Les trois fantastiques petits livres de Pierre Noizat m’ont beaucoup aidé. 

Comment ont réagi vos collègues non cryptophiles, votre entourage quand vous avez franchi le pas et que vous vous êtes plongé dans le BTC ? 
Ils ont fait preuve d’une indifférence goguenarde, même quand je les accablais de références de lectures et de liens vers des vidéos à regarder de toute urgence. 

Yorick de Mombynes sur la scène de l’événement Surfin Bitcoin en 2021

Êtes-vous un Bitcoin maximalist ? 
Cela dépend de ce qu’on entend par là. Je suis plus confiant sur l’avenir de Bitcoin que sur celui des autres cryptos. Pour moi, la plupart d’entre elles représentent une perte de temps et d’efforts qui seraient mieux utilisés s’ils étaient consacrés à renforcer Bitcoin (même si certaines de leurs expérimentations absurdes sont utiles à observer pour ne pas commettre les mêmes erreurs sur Bitcoin). On ne peut raisonnablement pas exclure que l’une d’entre elle finisse par détrôner Bitcoin mais cette probabilité diminue avec le temps. Au-delà des fonctionnalités sexy de programmabilité, la question clé est celle de la capacité de résistance des cryptos à de potentielles attaques étatiques massives. A chacun de se faire une idée dessus, mais cela n’est pas évident car il y a une dimension technique complexe. Beaucoup d’amateurs de cryptos préfèrent ne pas trop examiner ce sujet.

Est-ce que ce concept de maximalist est une position défendable pour vous ? Ou est-ce, comme certaines voix de la communauté l’expriment, une position trop fermée qui ne permet pas l’émergence d’autres solutions cryptos ? 
Je n’ai aucun problème avec la position maximaliste. Une révolution monétaire n’est pas un jeu d’enfants, une prouesse de geek, une aventure marketing ou une belle opération de VC. C’est un événement historique inouï qui déstabilise des intérêts incroyablement puissants, prêts à tout pour préserver leur situation ; c’est ce qui explique le déluge de désinformation et de mensonges systématiques qui accompagnent l’émergence de Bitcoin. Je ne suis pas certain que tous les acteurs de la sphère crypto soient bien conscients de cette dimension. Cette révolution monétaire n’a aucune chance de prospérer face à de telles oppositions si elle n’est pas portée par une minorité de gens exceptionnellement compétents, visionnaires, engagés et éventuellement intolérants. Qu’ils soient critiqués pour leur attitude est parfaitement logique. Mais sachons voir à qui profitent ces critiques. 

Par ailleurs le discours maxi n’empêche en rien l’expérimentation des autres projets cryptos. 

Votre regard sur la folie NFT / Métavers. Beaucoup de bruit pour pas grand chose ou au contraire véritable potentielle de révolution ? 
Je connais moins bien ces domaines mais j’ai l’impression qu’ils vont suivre le parcours habituel des nouvelles technologies sur la courbe de Gartner (ou cycle du hype) : attentes exagérées, désillusion, reprise progressive. L’histoire de Bitcoin semble nettement moins classique, ce qui renforce à mes yeux sa particularité et son intérêt. 

Le Salvador et la Centrafrique attirent les regards de la planète depuis qu’ils ont fait du Bitcoin une devise légale. Est-ce que vous anticipez un effet domino et plusieurs pays qui pourraient les imiter dans les prochains mois ? 
La seule chose qu’il me semble prudent d’anticiper avec Bitcoin, c’est qu’il va continuer de nous surprendre. Je serais étonné que ces projets fonctionnent bien dès le début et inspirent rapidement d’autres pays, j’ai peur que cela soit plus compliqué que cela ; mais on ne sait jamais, tout peut aussi aller plus vite que prévu, surtout si des crises monétaires majeures se déclenchent dans les mois qui viennent. 

Quels sont les risques principaux liés à ces deux expériences qui se déroulent sous nos yeux à l’échelle d’un pays ? 
Si ces projets échouent, cela ralentira sans doute un peu le rythme d’adoption de Bitcoin dans le monde, mais il est très difficile de savoir dans quelle mesure. Il y a beaucoup de paramètres de toutes natures qui entrent en jeu. 

Est-ce la meilleure façon de favoriser l’adoption du BTC ? Si ce n’est pas le cas, quelles seraient ces solutions ?
Donner cours légal au bitcoin est sans doute une bonne façon de favoriser son adoption, en parallèle aux efforts réalisés par les développeurs et les entrepreneurs pour le rendre plus facile à utiliser. Mais, s’agissant du rythme d’adoption, je ne sais pas si nous devons tout faire pour l’augmenter. Il ne faudrait pas non plus que l’adoption aille trop vite par rapport à l’évolution de la solidité du réseau, de la fongibilité du token, et du respect de la « privacy ». De temps en temps, un bon « bear market » calme les esprits et donne l’occasion de se reconcentrer sur les fondamentaux au-delà de la hype, et de consolider la techno et le réseau. 

Vous faites une introduction au Lightning Network (LN) dans une récente conférence et vous êtes l’auteur de Comprendre le Lightning Network. Pouvez-vous nous expliquer dans quelle mesure le LN (qui est une surcouche du réseau Bitcoin) est essentielle au développement du BTC? 
Bitcoin n’est pas seulement une réserve de valeur, il est potentiellement du cash numérique et un moyen de paiement universel. Il était donc nécessaire de surmonter les limitations techniques du réseau « on chain ». La solution de l’augmentation de la taille des blocs ne s’est pas montrée convaincante à ce stade. C’est celle du layer 2 et des transactions off chain, avec le Lightning Network, qui semble aujourd’hui avoir le vent en poupe. Des jeux techniques considérables doivent encore être relevés pour poursuivre son développement, mais depuis son lancement en 2018 il fonctionne bien et ces enjeux sont traités au fur et à mesure. 

Cliquez ici pour accéder au document

Vous concluez votre document par “Lightning a probablement le potentiel de révolutionner l’industrie du paiement et une partie du secteur financier, et d’accélérer massivement la diffusion de Bitcoin comme système monétaire alternatif”. Quelles sont les conditions nécessaires selon vous pour que cela arrive ? 
Il faut qu’il y ait de plus en plus de canaux de paiement ouverts et de nœuds de routage, pour que les transactions circulent d’une manière de plus en plus efficace. C’est d’ailleurs ce qui se passe en ce moment-même. Et il est intéressant de noter que cette évolution présente les caractéristique d’une « externalité de réseau » : plus il y a de gens qui utilisent le réseau Lightning, plus il est efficace, et plus cela attire d’autres gens pour l’utiliser. Ce n’est pas le cas de tous les réseaux de paiements : pour certains, plus le nombre d’utilisateurs augmente, plus cela crée des coûts et des problèmes techniques. L’autre aspect est financier : il est important qu’il y ait plus de bitcoins dans les canaux, y compris placés en recherche d’une rentabilité financière, auprès des gros nœuds de routage : c’est important pour que les frais de transactions restent faibles (à la différence de ceux on chain, qui sont voués à augmenter, notamment pour compenser la baisse du reward des mineurs). Enfin, il est utile que l’expérience utilisateur progresse grâce à de nouvelles fonctionnalités (wallets, etc.), et que des services financiers soient progressivement proposés sur ce réseau. 

Le LN est-il la seule planche de salut du BTC, la solution la plus réaliste pour faire adopter le BTC à grande échelle ou existe-t-il d’autres options, si oui lesquelles ? 
Il y en a peut-être mais je ne les connais pas. A long terme, il est intéressant de rappeler que le white paper Lightning précise dans sa conclusion que si l’utilisation du réseau LN devient universelle, et si on ne trouve pas d’autre solution, il faudra songer à nouveau à augmenter la taille des blocs pour ne pas saturer la blockchain. Donc les partisans de Bitcoin Cash ont peut-être été tout simplement beaucoup trop en avance sur leur temps…

Alors que nous sommes en plein marché baissier et un BTC autour de 20 K, quelle est votre position sur le rôle que peut jouer Bitcoin dans cette crise? Confiant pour l’avenir du BTC, du LN, de la cryptosphère en général ?
La cryptosphère risque de beaucoup souffrir mais ne n’ai aucun souci pour la Bitcoinsphère, dont la motivation philosophique souvent plus développée l’aide à tenir pendant les bear markets les plus exigeants.

Suivez nos liens d’affiliés:

  • Pour acheter des cryptomonnaies en Zone SEPA, Europe et citoyens français, visitez Coinhouse
  • Pour acheter des cryptomonnaies au Canada, visitez Bitbuy
  • Pour générer des intérêts grâce à vos bitcoins, allez sur le site de BlockFi
  • Pour sécuriser ou stocker vos cryptomonnaies, procurez-vous les portefeuilles Ledger ou Trezor
  • Pour transiger vos cryptos de façon anonyme, installez l’application NordVPN

Pour investir dans le minage de cryptomonnaies ou les masternodes:

Pour accumuler des cryptos en jouant :

  • Au poker sur la plateforme de jeux CoinPoker
  • À un fantasy football mondial sur la plateforme Sorare

Restez informé grâce à notre newsletter hebdomadaire gratuite et à nos réseaux sociaux: