Julien, cypherpunk

David Nathan
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Julien, devant une oeuvre de l’artiste thisisludo, à Paris / Photo personnelle

Julien est ce qu’on appelle un cypherpunk. Pour faire simple, disons qu’il s’agit d’un spécialiste de la cryptographie et des techniques de codage et de décodage de messages. Le mouvement cypherpunk prône notamment le droit de l’individu à la vie privée. Julien est tombé dans la programmation dès le plus jeune âge. À 9 ans, il code déjà ses premières lignes en langage BASIC, à 11 ans en langage C et il plonge dans Linux à 14 ans. Tour à tour pirate (jusqu’à 18 ans), propriétaire d’un cybercafé, administrateur système, réseaux et sécurité pour une quinzaine d’entreprises et d’institutions, il contribue à Bitcoin depuis 2011 et fonde en 2017 l’entreprise Condensat Technologies. Rencontre avec un cypherpunk.

Cryptonews: Selon Wikipedia, l’objectif des cypherpunks est “d’assurer le respect de la vie privée par l’utilisation proactive de la cryptographie”. Est-ce que cette définition est bonne selon toi?
Julien: Oui, les cypherpunks écrivent du code informatique qui permet d’utiliser la cryptographie. La cryptographie et ce code par extension permettent d’imposer le respect de la vie privée à ceux qui auraient mal lu ce qui est indiqué dans l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. La résistance à la censure et l’anonymat sont aussi des objectifs pour les cypherpunks. Le code produit est ouvert afin de permettre à tous de s’en inspirer. De plus, en cryptographie, l’évaluation par les pairs des protocoles cryptographiques est une nécessité absolue pour en garantir la viabilité. L’ouverture des sources de ce type de code informatique est donc tout autant nécessaire.

Au delà, un nouveau champs s’ouvre, celui du matériel. Comme nous avons pu le voir ces dernières années, le matériel informatique peut contenir des portes dérobées. Il va y avoir beaucoup de travail pour créer une industrie d’électronique ouverte.

Quand on te demande c’est quoi un cypherpunk, tu réponds quoi?
C’est une personne qui écrit du code informatique ouvert et relatif à la cryptographie avec pour objectif l’acquisition du droit inaliénable et inattaquable à la vie privée et à l’anonymat qui sont constitutifs de la liberté dans l’ère de l’information.

Concrètement, être cypherpunk ça veut dire quoi? Ça se traduit comment dans la vie de tous les jours et derrière un ordinateur?
Faire des mathématiques, lire des papiers sur la cryptographie, communiquer avec les autres cypherpunks sur les réseaux, apprendre, admettre sa faillibilité, enseigner, participer aux conférences, expliquer ce qui est fait, débattre de ce qui doit être fait, chercher le consensus et ensuite le coder.

Est-ce que les cypherpunks sont tous des “informaticiens”, “programmeurs”, spécialistes de la cryptographie ou est-ce que le mouvement va au-delà de l’aspect “technique”?
Les cypherpunks écrivent du code. c’est la plus simple définition. Ce n’est pas un mouvement, plutôt une passion, voire même une profession, ou un art.

L’humain a gagné en liberté en sortant de l’analphabétisme, Il en sera de même en sortant de l’illectronisme. Dans un monde où le travail disparaît et où l’on ne peut être que le développeur du programme du robot qui fait le travail, ne pas savoir programmer, c’est comme ne pas savoir lire et écrire.«Code is law», ce ne sont pas des paroles en l’air et nul n’est censé ignorer la loi. Il faut que nous devenions tous des cypherpunks ! 🙂

Y a-t-il une unité au sein de la communauté des cypherpunks au sens large ou y a-t-il plutôt de nombreuses communautés? Par pays? Par langues?
Le pays c’est le cyberespace, la langue c’est le code, la règle c’est l’anonymat. Il n’y a pas de sexe, de couleur ou autre marqueur d’identification, donc peu d’adhérence pour un découpage communautaire. Et c’est tant mieux.

Est-ce que les premiers cypherpunks et ceux d’aujourd’hui ont des points communs?
L’idéal cryptoanarchiste est toujours présent. Les années 80 ont vu le codage de PGP, les années 90 ont vu le codage du POW, les années 2000 ont vu le codage du P2P, les années 2010 ont vu le codage de BTC. Les acronymes à 3 lettres sont toujours là, les cypherpunks de chaque décennie se ressemblent beaucoup, ils créent toujours des logiciels qui protègent la vie privée. Je pense que les premiers cypherpunks sont fiers de ceux d’aujourd’hui.

Le mot cypherpunk nous fait évidemment penser à l’époque des Sex Pistols et l’ère de la musique punk, ya-t-il des rapprochements entre les deux mouvements?
Oui, bien sûr! C’est à la marge que l’innovation se fait, en général sous le regard inquisiteur du conservatisme réactionnaire. Donc oui, encore, les cypherpunks sont des punks à chiffres qui font des doigts d’honneur, ils ne demandent jamais la permission pour écrire du code.

Sur quel(s) projet(s) travailles-tu présentement, pour les prochains mois?
Je travaille sur mon projet d’application sur laquelle pourront s’échanger monnaie fiduciaire, monnaie cryptographique et actifs cryptographiques. Le plus dur étant le plafond de verre de la régulation. D’autre part, je rédige un papier concernant la décentralisation du placement, de l’appariement et de l’exécution des ordres de marché, plus simplement un échange de pair à pair global.

Qui sont les cypherpunks que tu respectes le plus et pourquoi?
Philip Zimmermann pour PGP, Bram Cohen pour BitTorent et Satoshi Nakamoto pour Bitcoin.

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