L’avenir des nouvelles technologies financières se joue en Suisse, dans la CryptoValley

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Les cryptomonnaies et plus largement les nouvelles technologies financières (Fintech) comme la blockchain, sont aujourd’hui un secteur d’investissement colossal avec des milliards investis ces dernières années. Le Forum économique mondial considère la blockchain comme étant à l’origine de six sources principales de création de valeur: une interaction plus efficace entre les régulateurs et les institutions financières supervisées; la simplification des procédures opérationnelles internes; la réduction des risques de contrepartie dans les transactions; un gain de temps substantiel dans le traitement des données financières; une meilleure utilisation des fonds propres ou des actifs liquides d’une entreprise et un risque de fraude considérablement réduit

Photo: Adobe Stock / Lightpoet

Malgré des efforts importants pour permettre une certaine décentralisation des activités d’innovation liées aux Fintech, les entrepreneurs avaient tendance à se regrouper autour de certains sites définis: New York, Silicon Valley, Singapour, Gibraltar, Malte, les États-Unis et la Suisse.

Face à ces technologies financières, qui semblent offrir un champ d’application considérable et d’énormes gains d’investissement, la Suisse est déterminée à jouer un rôle moteur. Dans la continuité de sa tradition, un pays à la pointe de l’innovation technologique, la Suisse est devenue l’un des endroits les plus importants au monde pour les Fintechs et le principal en Europe.

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Un système adapté

Les investisseurs qui choisissent la Suisse et les entrepreneurs qui décident de s’installer dans le pays bénéficient du système éducatif du pays et des efforts de R&D. Le pays compte de nombreux établissements d’enseignement de premier plan. Il fait partie des pays du monde qui dépensent le plus en R&D et produisent le plus de prix Nobel par habitant. La Suisse est classée parmi les pays les plus efficaces au monde pour sa capacité à attirer et à retenir les talents de classe mondiale, même si les taux de rémunération suisses sont généralement élevés, cela ne se traduit pas nécessairement par des coûts de main-d’œuvre plus élevés en raison des niveaux de productivité exceptionnellement élevés.

Alors que Genève et Lausanne accueillent de nombreuses start-ups innovantes dans le domaine des nouvelles technologies financières, la Suisse abrite principalement la “CryptoValley”. En effet, tout comme Santa Clara, en Californie, a été renommée Silicon Valley lorsqu’elle est devenue le berceau de l’informatique et d’Internet, une vallée suisse veut devenir le centre mondial de la technologie blockchain et des monnaies numériques. La CryptoValley est situé à Zoug, juste à l’extérieur de Zurich. Zoug est une ville située à environ une heure de Zurich et compte environ 30 000 habitants. L’économie de cette ville était traditionnellement axée sur l’agriculture et l’industrie lourde, mais depuis 2013, elle attire des investisseurs et des entrepreneurs du secteur des Fintech à travers le monde.

Les origines de la CryptoValley remontent à l’année 2013. La société Monetas spécialisée dans les activités notariales numériques et la filiale suisse de Bitcoin se sont installées à Zoug cette année. Mais quand on interroge les entrepreneurs de Zoug, la star incontestée, celui qui a eu une sorte de “rôle de fondateur” est le célèbre Vitalik Buterin, co-fondateur d’Ethereum. À l’âge de 20 ans, ce jeune entrepreneur russo-canadien a déménagé de Toronto à Zoug et a fondé Ethereum, qu’il a commencé à concevoir avec l’ « entrepreneur en série » canadien Joseph Lubin. Années après années, des start-ups et des multinationales se sont réunies à Zoug. Récemment, l’installation du siège social européen de Bitmain à Zoug a fait une énorme impression dans le monde entier. Bitmain est une société basée à Pékin et le plus grand fournisseur mondial d’équipement minier Bitcoin.

Il y a aujourd’hui environ 500 entreprises travaillant dans le domaine des Fintech dans la CryptoValley. Un peu plus de la moitié de ces entreprises sont des start-ups. La ICO Watchlist classe la Suisse au troisième rang mondial pour la collecte de fonds en cryptomonnaie, derrière la Russie et les États-Unis. En novembre 2018, les 50 principales sociétés liées à la cryptomonnaie et à la blockchain pour la CryptoValley valaient 44 milliards de dollars.

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La force de l’émulation

La Crypto Valley semble également bénéficier d’une émulation fantastique. Par exemple, lorsque Ethereum a dû demander un avis juridique, la société s’est tournée vers un cabinet d’avocats à Zoug, MME. Évidemment, ce cabinet est rapidement devenu l’un des cabinets d’avocats les plus avancés sur les Fintech et en particulier sur la blockchain et les contrats intelligents (smart contracts). La ville de Zoug a mis en place le Crypto Valley Lab, un incubateur de nouvelles technologies financières.

Correspondant pour un média j’ai eu l’opportunité d’échanger avec de nombreux entrepreneurs de la CryptoValley. Ceux-ci m’ont indiqué que l’une des raisons pour laquelle les entreprises sont si attirées par Zoug, est le faible taux d’imposition. Le canton ne prélève que 14% de l’impôt sur les sociétés.

Les start-ups Fintech arrivent également à Zoug principalement pour des raisons de sécurité juridique. La volonté des décideurs suisses est de maintenir et de renforcer l’attractivité de la Suisse en permettant une législation adaptée aux nouvelles technologies financières. Il y a quelques mois, la “Fédération Suisse de la blockchain” a été créée pour permettre l’optimisation de la législation sur les nouvelles technologies financières pour les hubs suisses spécialisés dans ce domaine. Zoug a évidemment beaucoup profité de cette initiative. La “Fédération Suisse de la blockchain” est un partenariat public-privé qui a pour but de renforcer l’avantage technologique de la CryptoValley mais également de produire des études et des rapports permettant de mettre en place les bases juridiques de la technologie blockchain et de ses usages en Suisse.

Ce texte est signé par Jean Langlois-Berthelot (ancien journaliste correspondant dans la CryptoValley pour un média international aujourd’hui chargé de recherche en Big Data et Finance Forensique) et ne reflète pas nécessairement l’opinion de Cryptonews.