Les deux faces du crypto-élitisme

Sead Fadilpašić
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Venetian Carnival masks. Source: iStock/Crisfotolux

Quand une nouvelle idée, une invention, ou toute autre chose ayant de l’intérêt apparaît, l’élitisme apparaît aussi. On le considère comme une façon de discriminer, basée sur l’idée qu’un groupe de personnes est en quelque sorte supérieur aux autres. On pourrait argumenter que cet esprit de compétition et ce désire d’être supérieur aux autres fait partie de la nature humaine, considérant le nombre de fois où l’on peut constater cette situation, ceci malgré la nocivité ultime que cela engendre.

Le monde des cryptos n’est pas étranger à cela, avec son propre mouvement d’élitisme séparé en deux groupes distincts, mais tous deux unis par une seule et unique idée exprimée haut et fort ou de façon implicite ; les cryptos ne devraient pas être accessibles au grand public. Le premier groupe est ouvertement contre l’industrie des cryptos dans son ensemble, et le deuxième groupe est, ironiquement, une sous-section de crypto-enthousiastes.

Vasant Prabhu, directeur financier chez Visa, fait partie du premier groupe. Dans une entrevue avec le Financial Times, il a déclaré, « Les gens qui me questionnent à propos des cryptos me font vraiment peur. Vous savez, des gens comme le chauffeur de limousine qui m’emmène à l’aéroport. Ils n’ont aucune idée de ce qu’ils font ». On comprend de la façon dont il s’exprime que selon lui, le chauffeur de limousine ne mérite pas de parler de cryptos, sous-entendant ainsi qu’il n’est donc pas aussi intelligent que M. Prabhu lui-même. Il clarifie rapidement sa pensée en expliquant que selon lui, les cryptos sont fait pour les criminels ; une autre affirmation que l’on entend bien trop souvent venant de la bouche des partisans des banques traditionnelles.

Il semble redondant de répéter encore une fois que l’argent en espèce est toujours le meilleur choix du criminel : intraçable, anonyme, et reconnu légalement, aucun problème ne se posera pour le dépenser. Une autre phrase qui est étonnamment entendue régulièrement de la part des économistes qui méprisent les cryptos est « Qu’est-ce qui supporte cette devise ? » Cela démontre qu’il est évident que cette personne ne connaît rien à propos de la blockchain (et cela sonne comme de l’hypocrisie, compte tenu que l’argent fiat n’est supporté par aucun bien ou matériau physique, mais simplement par la confiance de ses utilisateurs, quelque chose que la blockchain élimine grâce à sa transparence et son immutabilité). La première conclusion qui vient à l’esprit est que la transparence et l’immutabilité ne sont pas exactement des priorités dans le système économique actuel.

Mais c’est le deuxième groupe qui est potentiellement le vrai ennemi des cryptos : cette idée au sein de la communauté que, lorsque les cryptos auront été adoptées massivement, ils ne vaudront plus rien. Cette idée est insufflée dans un article de Mashable, quand il est insinué que le moment de vendre est venu, puisque Apple propose des émoticônes Bitcoin dans sa boutique de stickers. Le point à retenir de cela est que lorsque les gens sont assez confortables avec quelque chose au point de l’intégrer dans la vie et les conversations de tous les jours par le biais d’émoticônes, alors la vraie valeur de cette chose a disparu. Il y a par ailleurs une certaine dose de moquerie et de roulement d’yeux envers les nouveaux venus lorsque l’un de ceux-ci pose une question «stupide » à propos des cryptos.

Il est vrai que la spéculation des masses est quelque chose qui, historiquement, mène à l’explosion d’une bulle. Mais fermer la porte à quiconque voulant faire partie de la communauté n’aidera en rien. Défendre ce type d’attitude en disant que cela pourra empêcher l’explosion d’une bulle ne sert à rien, car le degré de FUD (Peur, Incertitude, Doutes) qui entoure l’industrie est déjà amplement suffisant pour dissuader la majorité des gens d’y prendre part.

Ce que cela fait, en bout de ligne, c’est empêcher et retarder l’adhésion massive. Les gens n’osent pas poser des questions de peur de faire rire d’eux ; ils s’éloignent de tout ce qui concerne les cryptos à cause de l’hostilité envers les « amateurs » ; la communauté ne voit pas de réelle progression à cause de sa propre toxicité envers les uns et les autres ; « Je suis meilleur que toi car j’ai découvert le Bitcoin avant toi », n’est certainement pas une façon de penser qui mérite une médaille.

Alors que cette hostilité envers les cryptos est en quelque sorte normale de la part des conservateurs et traditionalistes, le vrai ennemi de l’adoption massive reste la façon dont la communauté se comporte en face de ceux qui n’en font pas encore partie. Personne ne veut jouer avec des intimidateurs.

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Cette chronique ne reflète pas nécessairement l’opinion de Cryptonews.com.