Le Liechtenstein adapte sa législation pour favoriser le développement du secteur des crypto-monnaies

Pauline Eyebe
| 9 min read
Source : Twitter/Actualités Crypto

De plus en plus de pays adoptent les technologies de blockchain et de crypto-monnaies qui sont en pleine croissance et ne cessent d’évoluer. Parmi ces pays, on retrouve la Principauté du Liechtenstein.

Situé en Europe, entre la Suisse et l’Autriche, le Liechtenstein est le sixième plus petit pays du monde. Depuis le tout début, le pays a attiré l’attention des communautés crypto internationales et européennes.  

En effet, en 2019, le Liechtenstein est devenu l’un des premiers pays au monde à adopter une législation spécifique sur la crypto et la blockchain. Il s’agit de la loi sur les fournisseurs de services de jetons et de technologies de confiance, encore connue sous le nom de TVTG ou loi sur la blockchain du Liechtenstein. 

Entrée en vigueur depuis le début de 2020, cette loi fait partie des premières réglementations à mettre en place l’un des premiers environnements réglementés au monde pour les services liés aux crypto-monnaies.

Le nombre de prestataires de services liés aux crypto-monnaies au Liechtenstein augmente depuis 2020. En effet, les entreprises y trouvent des conditions optimales pour la création et le développement de leur activité dans le domaine des crypto-monnaies. 

De plus, la grande certitude réglementaire de la loi TVTG et la possibilité de communiquer directement avec l’autorité locale de régulation des marchés financiers, la Financial Market Authority (FMA), ont également favorisé cet environnement favorable aux crypto-monnaies.

En quoi le Liechtenstein est-il un pays spécial et attrayant pour les fournisseurs de services de crypto-monnaie ? La prochaine réglementation sur les marchés des crypto-actifs (MiCA) sera-t-elle compatible avec la loi du Liechtenstein sur la blockchain ? Les autorités du Liechtenstein prévoient-elles un renforcement de la loi après l’effondrement des principales entreprises de crypto-monnaies comme FTX, Celsius ou Three Arrows Capital ?

Dans le but de mieux comprendre les perspectives de la crypto dans le pays, Cointelegraph s’est entretenu avec Thomas Dünser, le directeur de l’Office du Liechtenstein pour l’innovation des marchés financiers et la numérisation.

 Thomas Dünser est l’un des principaux conseillers du premier ministre du Liechtenstein. De plus, il supervise les questions d’innovation et de numérisation au sein du ministère des Finances. Il a été à la fois chargé du projet et co-auteur de la loi sur la blockchain.

La première législation nationale complète sur les crypto-monnaies

Entre 2016 et 2018, les secteurs de la blockchain et de la crypto-monnaie ont fait face à une énorme incertitude, étant donné que les autorités des pays du monde entier entamaient à peine l’élaboration de réglementations relatives aux actifs numériques. 

Dans ce contexte d’incertitude, le gouvernement du Liechtenstein avait déjà fait sensation en annonçant qu’il considérait la blockchain comme une technologie prometteuse.

En publiant son projet de loi, le Liechtenstein a également précisé la manière dont il comptait traiter les jetons. Ainsi, avec le Token Container Model (TCM), la Principauté a été le premier pays au monde à considérer le token comme un instrument juridique. Elle a par ailleurs décidé de classer les tokens en fonction de leur fonction, notamment en tant que jeton d’utilité, jeton de sécurité ou jeton de paiement.

Selon Thomas Dünser, ces précisions selon lesquelles tous les jetons ne doivent pas être considérés comme des instruments financiers ont suscité “d’énormes réactions positives” de la part du secteur. En outre, elles ont créé “une plus grande sécurité juridique” en ce qui concerne l’application de la législation sur les marchés financiers.

Selon ce dernier, que ce soit la définition du token, la réglementation de la propriété et de la possession du token, ou encore les règles de délégation et de transfert, ces mesures n’ont pas seulement permis la clarification de questions juridiques fondamentales. Elles ont aussi “jeté les bases de l’utilisation des tokens par des institutions financières établies”. 

Celles-ci utilisent ainsi des tokens à des fins de conservation, des opérations bancaires ou des plateformes d’échange. En outre, Thomas Dünser a souligné l’importance de la “sémantique” de la loi sur la blockchain :

” Cette loi a permis de mettre en place un espace linguistique commun. Cet espace a été crucial pour les discussions techniques et réglementaires relatives à la crypto et à la blockchain entre les autorités et les acteurs du marché. “

Il est indispensable d’avoir la capacité d’innover

Selon M. Dünser, les tendances à la décentralisation et aux NFT n’étaient pas inattendues. D’après lui : 

” En adoptant notre loi nationale sur les jetons, nous avons posé les fondements permettant de prendre en compte une vaste gamme de jetons, et même d’aller au-delà des NFT. Dans notre législation, nous avons intentionnellement pensé à aller bien au-delà des cas d’utilisation actuels de la blockchain. Par conséquent, on ne s’attend pas à ce que nous ayons à re-réglementer ici de sitôt.”

En outre, la loi sur la blockchain du Liechtenstein a également pris en compte la notion de décentralisation. En effet, le TVTG est ” tourné vers l’innovation ” et flexible, car il est ” basé sur des principes et des rôles, pour contrer la réglementation habituelle basée sur les règles et les modèles d’affaires “. Par ailleurs, le TVTG est ” neutre sur le plan technologique “.

En vertu de la loi sur la blockchain, les activités relatives aux cryptos sont assujetties à des exigences réglementaires dès lors qu’elles exposent les utilisateurs à des risques. Et ce, quel que soit le modèle d’entreprise dans lequel ces activités sont menées. 

À cet égard, les entreprises prestataires de services sont tenues de réfléchir à des solutions pour atténuer les risques, par des moyens technologiques ou par des ressources humaines. 

M. Dünser a déclaré :

” Au regard de la rapidité de l’innovation technologique, il est essentiel que le système juridique soit en mesure d’innover. À défaut, nous risquons non seulement de ralentir l’innovation, mais aussi d’être confrontés à une insécurité juridique considérable. Aucune de ces deux situations ne peut être dans l’intérêt des États”.

C’est pour cette raison qu’au Liechtenstein, les régulateurs ont instauré un cadre propice à l’innovation à travers le processus susmentionné et le laboratoire de réglementation de l’Agence fédérale des marchés financiers. Dünser estime que ce cadre s’est avéré “très fructueux”. 

Toutefois, compte tenu du fait que les principales lois relatives aux marchés financiers dans les pays de la zone économique européenne sont définies au niveau européen, des dispositifs équivalents seraient nécessaires pour l’ensemble du système de régulation régional.

Y a-t-il des similitudes entre le TVTG et le MiCA ?

La loi MiCA est une avancée significative vers une réglementation communautaire harmonisée en Europe. Le TVTG a en quelque sorte inspiré la loi MiCA. Ainsi, le projet MiCA reprend le modèle de conteneur de jetons de la loi TVTG. Il reprend également l’obligation d’obtention d’une licence pour proposer certains services liés à la blockchain, ainsi que les normes relatives aux informations à fournir dans le cadre d’un appel public à l’épargne.

Par conséquent, le cadre réglementaire en vigueur au Liechtenstein ne devrait pas subir de changements majeurs une fois que la MiCA entrera en vigueur. Par ailleurs, M. Dünser a souligné que les deux lois seront compatibles entre elles.

Les sociétés de crypto-monnaies nouvellement réglementées en vertu de la législation MiCA n’auront plus besoin de se soumettre à la loi sur la blockchain.

De plus :

” À l’instar du Liechtenstein, la Commission européenne considère ce secteur, en plus des applications des marchés financiers, comme une formidable opportunité pour l’Europe. “


Autrement dit, les législateurs européens ont pu profiter de l’expérience du Liechtenstein et les deux parties ont eu des “discussions animées” qui ont abouti à de nombreuses similitudes philosophiques entre le TVTG et la MiCA. Il s’agit du modèle de conteneur de jetons, de la réglementation fondée sur les rôles et, dans une certaine mesure, sur les principes, ainsi que de l’ouverture à l’innovation.

M. Dünser a fait remarquer : 

“Toutefois, il convient d’établir une distinction entre le droit civil et le droit de la surveillance”. 

Il ajoute à ce propos que :

“La législation MiCA ne comprend que les dispositions relatives au droit de la surveillance”. Il appartient à chaque État membre de clarifier lui-même les fondements du droit civil. En adoptant la loi sur la blockchain, le Liechtenstein possède déjà un cadre juridique complet et solide pour tous les types de tokénisation. Cela inclut les tokens d’actions, les autres actifs cryptos, les NFT ou d’autres droits tokénisés.”

” Le Liechtenstein est prêt à agir “

À la question de savoir si le Liechtenstein renforcera sa réglementation sur le marché des crypto-monnaies après le krach de FTX et d’autres grands effondrements en 2022, Thomas Dünser a estimé que la principauté ferait mieux d’éviter toute surréglementation. Qui plus est, la loi sur la blockchain réglemente déjà la garde des jetons et prescrit également la séparation juridique en cas de faillite.

Néanmoins, M. Dünser a admis que certains ajustements seraient nécessaires. Ainsi : 

” Il me semble que le staking, l’emprunt et le prêt de jetons de clients par les plateformes de crypto-monnaies posent de plus grands défis. Ces activités se déroulent en dehors de toute réglementation dans de nombreuses juridictions. “

En effet, dans l’Union européenne, par exemple, la réglementation relative aux établissements de crédit, élaborée pour des activités similaires impliquant de l’argent, ne s’applique pas aux fournisseurs de services de crypto-monnaie. De même, la MiCA ne couvre pas cette question, du moins pas encore.

” De mon point de vue, ce vide législatif devrait être comblé de toute urgence. De notre côté, nous suivons et surveillons de près cette évolution et nous nous tenons également prêts à agir.”