Livre: Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur (seconde partie)

David Nathan
| 9 min read

Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeurde Martin Della Chiesa, François Hiault et Clément Tequi (Éditions Prospectives Accuracy)

Si vous vous intéressez à la blockchain et cherchez à comprendre ce que recouvre cet étrange objet qui, reconnaissons-le, peut être un poil déroutant au premier abord, voici un livre dont Cryptonews vous recommande chaleureusement la lecture: Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeur. C’est un ouvrage essentiel à mettre entre les mains de tous ceux qui veulent saisir tout le potentiel de la blockchain à travers une approche pluridisciplinaire mêlant histoire, philosophie, technologie, économie, stratégie et finance.

Voici la suite de l’interview que nous avons réalisée avec les auteurs de ce livre Martin Della Chiesa, François Hiault et Clément Tequi, qui signent tous les trois ici les réponses d’une même plume. Notons que les Nicolas Bouzou et Thibault Gress ont également contribué à l’écriture du livre.

A quels types de problèmes devraient répondre les Smart Contracts du protocole Ethereum selon vous?
Les Smart Contract du protocole Ethereum permettent de programmer l’exécution d’un contrat selon une réalité objective mesurée par un Oracle. Or, une des grandes avancées technologiques de la Blockchain est qu’elle permet l’exécution automatique et décentralisée de la transaction engendrée par le contrat. Dès lors, les Smart Contract permettent une industrialisation des transactions et, surtout, des micro-transactions pair-à-pair permettant ainsi des gains de productivité importants. L’exemple bien connu de Fizzy, assurance contre les retards d’avion proposée par Axa, permet d’illustrer les gains de productivité apportés par la technologie Ethereum : le remboursement en cas de dommage est automatique et ne demande aucune intervention ni de la part du consommateur ni de l’assureur. L’information concernant le retard de l’avion est renseignée par le site Flightstat qui joue ainsi le rôle de l’oracle. Cet élément déclencheur entraîne l’exécution du contrat et donc de la transaction.

François Hiault, co-auteur

Le Bitcoin est-il encore mal compris, y compris par les professionnels de la finance?
Si de nombreux professionnels de la finance mais également d’autres secteurs d’activité commencent à appréhender le Bitcoin, il n’en demeure pas moins que des confusions importantes restent vivaces. Le Bitcoin n’est, en effet, que la partie émergée du potentiel révolutionnaire de la technologie Blockchain. Vouloir restreindre cette dernière aux simples usages monétaires est une erreur de compréhension même si, à l’origine, le Bitcoin a été créé pour cela. De plus, on essaye trop souvent de dissocier la technologie Blockchain des Tokens (ou monnaies programmables), considérant que seule la technologie a de la valeur alors que c’est la combinaison des deux qui permet à la Blockchain d’exploiter tout son potentiel, voire même tout simplement d’exister.
Le travail de formation et d’apprentissage est encore important mais nous notons cependant une volonté des grands groupes de se saisir de l’opportunité technologique.

Selon vous, philosophiquement, “le Bitcoin renvoie à l’anarchie”. Est-ce qu’il faut s’attendre à un bouleversement sans précédent de l’économie mondiale?
Le Bitcoin renvoie en effet à l’anarchie puisque si on essaye de tracer la généalogie de cette technologie, elle s’inscrit dans la continuité des théories crypto-anarchistes des années 1980 qui considèrent que l’Etat n’a aucune légitimité d’intervention dans le cyber espace. Il est intéressant de souligner qu’Internet à ses débuts était également porteur de cette idéologie avec la promesse d’une société plus horizontale. Quarante après les débuts d’Internet, on peut constater le chemin parcouru par cette promesse : la domination des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) dans l’économie d’Internet a pour conséquence un modèle économique très vertical où les données personnelles de plusieurs milliards d’individus sont détenues par ces sociétés. Jamais, dans l’histoire économique, des sociétés n’ont eu une telle mainmise sur autant de consommateurs.

Il est donc assez probable, qu’à l’image d’Internet, l’idéologie anarchiste de la Blockchain soit peu à peu délaissée au grès de son développement et de son adoption grand public. Il n’en demeure pas moins qu’on peut s’attendre à un bouleversement sans précédent de l’économie mondiale. Gardons, l’analogie avec Internet. Même avec toutes les limites identifiées précédemment, le développement de cette technologie a sans conteste bouleversé l’économie mondiale et plus largement nos modes de vie. La Blockchain devrait connaître la même trajectoire. Nous gardons l’espoir d’une promesse d’une économie horizontale, en réseau, à marge nulle, où tous les prix reflèteront parfaitement l’information.

En effet, comme nous l’expliquions précédemment, la Blockchain est une technologie qui répond à la problématique majeure de l’économie du XXIème siècle à savoir la préservation et le financement du bien commun. Elle est le maillon de la chaîne qui manquait pour réaliser la transition entre une économie de l’avoir à une économie de l’usage et pour créer des places de marchés autonomes et décentralisées où des acteurs économiques coopèrent entre eux de manière vertueuse. La Blockchain promeut un capitalisme plus inclusif que le modèle que nous connaissons aujourd’hui. Pour toutes ces raisons, nous pensons que la Blockchain va être un bouleversement sans précédent pour l’économie mondiale mais également pour nos modes de vie.

Clément Tequi, co-auteur

Quel est le futur de la Blockchain? Est-ce la destination finale ou bien juste une étape?
Nous ne croyons pas au solutionnisme technologique : la Blockchain ne va pas sauver le monde par elle-même et, à cet, égard ne peut pas être la destination finale. La Blockchain ne pourra jamais être une fin en soi mais simplement un moyen « de ». Son futur appartient donc aux hommes et à ce qu’ils en feront. Au vu de son potentiel, nous pensons que son futur appartient à tout le monde et doit donc devenir un sujet de débat public et sortir des débats d’experts. Encore une fois, nous pensons que c’est aux gouvernements de créer les conditions pour qu’elle devienne un enjeu de société et pas seulement une technologie captive du savoir d’une minorité. Evitons de reproduire les mêmes erreurs qu’avec Internet.

Martin Della Chiesa, co-auteur

Intelligence artificielle et blockchain quels sont les ponts évidents entre les deux? Les opportunités qui devraient apparaître?
La Blockchain ne doit pas être pensée comme une technologie qui évoluerait indépendamment des autres technologies émergentes : l’Intelligence Artificielle (IA) en fait partie mais nous pouvons également inclure la robotique, l’Internet of thing (IoT), les voitures autonomes, le Big Data, l’ordinateur quantique. La Blockchain pourrait exploiter son plein potentiel qu’en se mariant à d’autres technologies à travers ce que nous appelons la « grande convergence ».

Le monde du XXIème siècle va être un monde où le numérique aura une place de plus en plus prépondérante dans les modèles économiques. Au sein de cette économie numérique, les données (financières, personnelles, etc.) forment le nouvel « or digital », de le même manière que le pétrole fut l’ « or noir » du XXème siècle.

De manière simplifiée, on peut considérer que l’IoT est la technologie qui permet la récolte de données numériques à partir du monde physique. Le Big Data et l’IA sont les technologies qui permettent de les traiter, les manipuler et de les exploiter. Les voitures autonomes et la robotique s’en nourrissent pour fonctionner et se perfectionner.
Au sein de ce nouveau monde économique à venir, la Blockchain est la technologie qui tisse les liens entre toutes ces technologies émergentes : elle permet d’une part de sécuriser les données mais surtout de les faire circuler avec une logique économique créant ainsi un espace économique autonome entre les machines.

Pour que toutes ces technologies puissent tirer pleinement profit de leur potentiel, il faudra qu’elles puissent communiquer et commercer entre elles de manière totalement autonome. Or, pour que puisse émerger ce système économique, il faudra une super-infrastructure sécurisée et autonome autorisant ces multiples transactions. Ces dernières étant nécessairement décentralisées la Blockchain est le candidat idéal pour devenir l’architecture de base de tout ce nouvel écosystème numérique, se positionnant alors comme une sorte de chef d’orchestre des machines devenues acteurs de la vie économique.

Lire ici la première partie de l’entrevue.

Blockchain, vers de nouvelles chaînes de valeurde Martin Della Chiesa, François Hiault et Clément Tequi (Éditions Prospectives Accuracy)