Sébastien Gouspillou: “Bitcoin, une opportunité pour l’humanité”

David Nathan
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Sébastien Gouspillou, PDG de Bigblock Datacenter / Photo personnelle

Sébastien Gouspillou reconnaît avoir “croisé” le Bitcoin dès 2010, mais ne pas y avoir prêté attention. Ce n’est que des années plus tard qu’il prendra conscience de l’incroyable potentiel de ce protocole, il le voit depuis comme “une avancée technologique majeure, un nouveau modèle monétaire plus équitable”. Ce Français, professionnel de l’agroforesterie durable est également à la tête de Bigblock Datacenter, une entreprise spécialisée dans la conception et la gestion d’unités fixes ou mobiles (en containers) dédiées aux calculs Blockchain.

Entre deux voyages internationaux, Sébastien Gouspillou a pris le temps de répondre à nos questions.

Cryptonews: Quand et comment êtes-vous rentré dans le monde des cryptos?
Sébastien Gouspillou: C’est mon ami Jean-François Augusti qui m’a parlé de Bitcoin «la monnaie du net», je ne sais plus quand ; lui l’ayant «découvert» en 2010, c’était peut-être dès cette époque, ou deux ans après. Ça ne m’a pas parlé, c’était un truc de geek pour moi. Après l’avoir ignoré en 2010 ou 2012, condamné en 2013, rejeté en 2014, j’ai enfin découvert Bitcoin et sa fameuse Blockchain en 2015 et j’ai aimé ce que j’ai vu.

Qu’est-ce qui vous a attiré dans cet univers ? Et le minage, c’est arrivé quand et comment ?
En 2016, à Bangkok, j’ai rencontré un américain, Robert Corby qui était en train d’ouvrir une unité de mining à Odessa ; il était passionné et compétent ; on se posait les mêmes questions existentielles, sur cette civilisation qui s’autodétruit en toute connaissance de cause et sur un système financier défaillant; on partageait la même vision sociale de Bitcoin

Bref, il m’a embarqué dans l’univers du minage. Mes séjours en Asie m’ont permis de visiter des « fermes », de réaliser qu’une véritable industrie était née et qu’on était fort nombreux dans mon pays à ignorer tout ça. Alors, j’ai demandé à Jean-François ce qu’il en pensait, et on a commencé à travailler sur le projet BigBlock.

C’est quoi qui vous a fait prendre conscience de la révolution Bitcoin? Vous travaillez depuis 2014 pour l’industrie agro forestière verte, la transition vers les fermes de minage a été une transition logique?
Ça n’est pas une transition, j’ai renoncé à mon poste à plein temps mais je continue à conseiller Asia Plantation Capital sur des projets internationaux, notamment sur un projet blockchain très ambitieux ; je partage les valeurs du groupe, je souhaite comme ses fondateurs un monde où les richesses sont mieux partagées, moins ponctionnées par un système financier qui n’inclut pas les populations pauvres. Bitcoin, dès que j’ai pris la peine de le regarder de plus près, m’est apparu comme l’outil manquant pour une inclusion financière massive, indispensable et jusqu’alors totalement impossible. En creusant encore, j’ai découvert que ce protocole génial était ouvert à des progrès qui lui permettraient, techniquement de remplir ce rôle d’unité de compte, de réserve de valeur et de monnaie mondiale d’échange et ce, à courte échéance.

Quelle est l’ambition de BigBlock Datacenter? Vous avez comme mission de “Qualifier la France dans la compétition mondiale de la proof of work”. La France est en retard dans ce domaine?
Notre ambition est française, nous tenons à ce que notre pays, en pointe sur les cryptos, sache apprivoiser la PoW (Ndlr : Preuve de travail), qui nous apparait comme la clé tant de la réussite technique que du succès de Bitcoin. Le mining peut aider la production d’électricité française à gérer sa transition, c’est aux acteurs de cette filière de le comprendre, et pour ce faire, d’accepter Bitcoin comme une opportunité pour l’humanité, pas une menace. Notre rôle a été d’initier cette démarche, puis de l’accompagner. En attendant qu’elle aboutisse, nous travaillons à la création d’un Pool de minage, un pool français suffisamment puissant pour qu’on l’identifie sur le camembert de la répartition du Hasrate ; on ne sera pas peu fiers…

Pour beaucoup de gens le minage est uniquement associé avec une activité polluante. Que leur répondez-vous?
Sur ce fantasme de Bitcoin qui fera rôtir la planète, je me suis déjà beaucoup exprimé…

Sur votre site, on peut lire “La meilleure offre de mining au monde: kWh= 0.02 €”. Comment on parvient à offrir ce genre de prix?
On offre le prix que l’on paye, en l’occurrence un peu moins de deux centimes. J’ai étudié en profondeur l’histoire du mining (elle a le mérite d’être courte et avec peu d’acteurs), j’ai retenu une leçon extrêmement pertinente de Marco Streng de Genesis Mining : mining = plusieurs pays.

Depuis deux ans nous avons beaucoup bougé avec Jean-François, souvent dans des coins très reculés, à la recherche des meilleures conditions: une électricité abondante, un prix bas et cadré mais surtout, plus rare, une autorisation, voire une invitation des autorités (y compris douanières) à exercer notre activité de mining officiellement, pas sous le radar. Ces efforts sont récompensés, nous avons différents points d’exploitation en Asie centrale qui ont une moyenne du kW/h à ce très bon prix de 2 centimes: cela nous met en position de force et nous permet d’offrir une porte de sortie à nos collègues européens, les plus durement touchés par un an de bear market.

Quelle est votre vision à court et moyen terme sur l’écosystème crypto au sens large? Ça va prendre du temps avant que la technologie blockchain intègre notre quotidien? Que nos moyens de paiement intègrent la crypto?
«la technologie Blockchain», je réfute le terme… l’application qui fait sens par son besoin des fondamentaux blockchain (Peer to peer, borderless, censor-resistant) est monétaire. Tout le reste, ce «blockchain» qui va modifier notre quotidien, ça suivra une adoption globale des cryptos, inéluctable à mon sens.

Il faudra peut-être 10 ans de plus à Bitcoin pour devenir un système idéal, stable, complet, universel, intuitif et permettant des paiements et micro paiements instantanés, tant entre humains qu’entre machines. D’ici-là, Bitcoin est désormais bien visible dans le paysage, il le deviendra de plus en plus et avec lui, les plus forts de ses rejetons.

Si vous aviez Satoshi en face de vous, vous lui diriez quoi?
«Satoshi, tu es un sage. La sagesse bannit l’avidité et le goût du lucre: si tu retrouves tes clés, ne dépense pas tout d’un coup… ah, j’oubliais : chapeau mec».