Séverine Glock, ambassadrice des technologies émergentes

Isabelle Mercier
| 6 min de lecture

Séverine Glock est une figure incontournable de la communauté féminine évoluant au sein de l’industrie des technologies émergentes en France. Celle qui s’est réinventée de multiples fois et qui a côtoyé des domaines aussi techniques que celui des missiles ou des radiofréquences, est aujourd’hui architecte logiciel chez Software Labs Groupe Renault, et a accepté de se livrer au jeu des questions / réponses avec l’équipe de Cryptonews.

Comment êtes-vous entrée dans le monde des cryptos et qu’est-ce qui vous a plu dans cet univers?
Je suis entrée dans le monde des cryptos, mais plus précisément celui des DLT/BC (Distributed ledger technology/Blockchain) grâce à l’organisation de « Blockfest 1.5 by WHAT06 ». En effet, je me chargeais entre autres de la programmation de cet évènement, et à ce moment-là, je n’y connaissais rien. Pour imaginer les thèmes, sujets et ateliers qui pourraient intéresser nos futurs participants et aussi pour échanger avec les intervenants, j’ai dû me documenter et j’ai découvert un univers que j’ignorais complètement. Je le trouve fascinant par son côté décentralisé et distribué, car cela permettrait de résoudre des problématiques sur certains use cases et cela éviterait certains monopoles exercés par les banques, Uber…

Comment voyez-vous votre implication dans la communauté crypto? Qu’est-ce qui vous motive le plus dans ce que vous faites?
Comme je le disais plus haut, je suis plus impliquée dans les DLTs que dans les cryptos à proprement parler. Suite au Blockfest, j’ai réussi à associer intérêt personnel et professionnel. Aujourd’hui, je travaille sur le sujet de l’adoption de la technologie Blockchain dans le monde de l’automobile. Ce qui me motive les plus dans ce que je fais est d’abord le côté technique, puis le challenge de pouvoir les appliquer et les faire adopter par mes collaborateurs, les utilisateurs, et enfin la nouveauté offerte par cette technologie émergente.

Quel est selon vous le problème principal qui explique la sous-représentativité féminine dans le monde des nouvelles technologies?
Je pense que de manière générale, les matières scientifiques sont de moins en moins intéressantes pour les jeunes. De leur point de vue, les personnes qui exercent un métier autour de l’informatique et de l’électronique sont des geeks. Il y a un problème d’image renvoyée ici. Nous n’arrivons pas facilement à leur « vendre » notre métier d’ingénieur et les débouchés qu’ils peuvent ouvrir. Ce problème d’image est pour moi encore plus vrai chez les filles. Il est réellement important de leur montrer qu’on arrive à associer vie personnelle, vie familiale, et vie professionnelle, tout en restant féminine.

Quelles solutions/mesures concrètes pourraient permettre de rétablir l’équilibre?
Plusieurs solutions simples pour moi :
– Initier les enfants dès les classes de CE1 à la programmation
– Avoir des intervenants hommes et femmes sur ces matières car ils sont des rôles modèles pour les enfants
– Faire des projets informatiques au collège comme on le fait pour des exposés d’histoire, de français… et pourquoi pas des hackathons sur une après-midi
– Faire des programmes Marraine/Filleule et inviter les filleules régulièrement dans notre entreprise. D’ailleurs une partie de la réponse se trouve déjà dans les stages en entreprises des 3èmes.

Parlez-nous du mouvement WHAT06?
WHAT06 est né il y a deux ans maintenant. Depuis, nous avons organisé 2 Hackathons en 2016 (95 participants dont 31% de participation féminine) et en 2017 (120 participants dont 50% de participation féminine), 1 workshop sur l’IA avec Julien Simon d’AWS (50 participants dont 75% de participation féminine) et le Blockfest 1.5 by WHAT06 (plus de 150 participants, 15 intervenants et un partenariat avec le collectif du Blockfest – Sajida Zouarhi). Notre motto de tous les jours : We hack for diversity. En effet, WHAT06 est un collectif d’une douzaine de femmes dont l’objectif principal est de favoriser la diversité dans les mondes technologiques en organisant des évènements de vulgarisation technique, mais aussi en sensibilisant les jeunes aux métiers de l’ingénieur via des forums ou des ateliers de programmation.

Jouons au jeu des prédictions. Comment imaginez-vous le futur du Bitcoin dans les prochains mois, années?
Je ne crois pas à l’avenir de Bitcoin. Bitcoin est le premier step dans la chronologie de l’évolution de la Blockchain ie BC1.0. Aujourd’hui on en est à BC 3.0 et on parle déjà de BC4.0. Pour moi, la technologie Blockchain a un bel avenir devant elle, mais pas sous la forme de Bitcoin car il ne répond à toutes les problématiques, notamment celles de latence E2E et de throughput demandés par certains use cases comme pourrait le faire IOTA par exemple.

Dans votre parcours on peut lire « Validate and optimize subsystems performances of missiles ». Aujourd’hui vous travaillez pour Renault. Comment on passe des missiles aux voitures?
Vous avez bien lu mon profil LinkedIn! La dernière année de mes études d’ingénieur, j’ai choisi un approfondissement en Hyperfréquences/Radiofréquences. Cette discipline m’a beaucoup plu et j’ai donc décidé de faire mon stage de dernière année dans ce domaine. Les missiles sont une des applications possibles. Suite à cette première expérience concluante, j’ai continué à explorer cette technologie – certes quelques Hz en dessous – dans le monde des téléphones en pleine explosion dans les années 2000. En 2008, ma société a décidé d’arrêter les puces RF et j’ai dû me reconvertir. J’ai pu rester au sein de cette dernière et me former sur les nouvelles plateformes Linux/Android. J’ai notamment eu la chance de travailler sur la première Kindle Fire d’Amazon, entre autres. Après cette étape, ma dernière société a fermé notre centre en France en juillet 2017 et nous nous sommes faits racheter par Groupe Renault. Cela fait partie des aléas du monde de la Tech, car celui-ci est en mouvement perpétuel. On doit apprendre à continuellement à s’adapter et à se réinventer.

Si vous aviez Satoshi en face de vous, vous lui diriez ou vous lui demanderiez quoi?
Certains, je suis sûre, lui demanderaient son sexe. Personnellement, je le féliciterais pour avoir amorcé l’utilisation de la Blockchain à l’échelle mondiale. La technologie BC a été conçue en 1991 mais n’a été utilisée réellement que depuis Satoshi en 2008, soit 17 ans plus tard. Satoshi représente pour moi l’impact qu’a eu l’ordinateur pour l’IA.

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