Cet expert du secteur bancaire conteste les résultats du Cambridge Bitcoin Consumption Index

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Ingénieur de formation, spécialisé en électronique des télécommunications ainsi qu’en sécurité des informations et des systèmes, Michel Khazzaka a, à son actif, une carrière de plus de 15 ans dans le secteur des paiements. Fort de cette complémentarité, il a entrepris de lever le voile sur la consommation énergétique du Bitcoin. 

Le fondateur de Valuechain a démontré, dans une récente étude, que le Bitcoin consomme plusieurs dizaines de fois moins d’énergie que le système de paiement bancaire. Michel Khazzaka revient, pour Cryptonews, sur les conclusions d’une recherche sans précédent.

Michel Khazzaka, fondateur de Valuechain et auteur de l’étude Bitcoin: Cryptopayments Energy Efficiency

Cryptonews : Beaucoup défendent que le mécanisme de consensus proof-of-work du Bitcoin est énergivore et peu écologique. Vous citez notamment la Banque Centrale des Pays-Bas qui compare la consommation d’énergie du Bitcoin à celle de pays comme le Danemark. Pourquoi, selon vous, est-il indispensable d’apprécier la consommation d’énergie du Bitcoin comparativement à celle de systèmes de paiement traditionnels ?
Michel Khazzaka : Je ne suis pas là pour dire que le Bitcoin ne consomme pas d’énergie, le Bitcoin en consomme beaucoup. La question c’est combien et par rapport à quoi. Heureusement, Cambridge a essayé de faire une étude sérieuse pour dire « on l’estime aujourd’hui à autant » [ndlr : il s’agit du Cambridge Bitcoin Electricity Consumtpion Index]

Néanmoins, dans leur approche, ils n’avaient peut-être pas pour vocation d’être hyper précis ou n’ont pas trouvé la méthode pour l’être. Dans leur propre méthodologie, ils annoncent une marge d’erreur d’à peu près –50/+120 %. C’est une marge d’erreur énorme ! La question qui se pose alors c’est « a-t-on besoin d’avoir une estimation précise ? Et peut-on le faire ? ».

Vous avez répondu à ces questions par la positive avec votre étude.
C’est à ça que je me suis attelé depuis quelques années. Si l’on peut préciser, pour ne pas dire corriger, l’indice de Cambridge, est-ce que ça vaut la peine de le comparer au Danemark ou un autre pays ? Est-ce que du coup, ça serait plus le Danemark, l’Italie, la Tunisie ? Ça n’a pas de sens. Si je veux le comparer à quelque chose, je veux comparer le Bitcoin à sa promesse. 

Quelle est cette promesse ?
Je ne dis pas qu’il l’a atteinte, mais je dis : on a un projet, un projet qui s’appelle « Bitcoin » et la première phrase de Satoshi Nakamoto dit « c’est un moyen de paiement, pair à pair en ligne », c’est un paiement en ligne. C’est important d’insister et de dire : il ne voulait pas faire de la DeFi, ce n’était pas son intention. Il ne voulait pas tuer le métier bancaire, ce n’est pas son projet non plus. Il voulait apporter une solution de paiement en ligne autonome. Le paiement en ligne avait de vrais problèmes à l’époque en 2008. Donc le Bitcoin c’est un moyen de paiement numérique, monétaire et avec sa propre banque, il faut, par conséquent, le comparer à d’autres moyens de paiement, monétaires et bancaires classiques électroniques. 

Différentes études ont déjà eu pour objet de comparer la consommation énergétique du Bitcoin et celle des systèmes de paiement traditionnels. Pourquoi celles-ci manquaient de pertinence ou de complétude, selon vous, et en quoi votre approche est différente ?
La méthodologie du Cambridge index, ils l’ont avoué et sont hyper transparents, a des limites. Ils ont indiqué qu’ils se sont basés sur le prix moyen d’électricité au monde. C’est bien, c’est une approche qui mène à des résultats. En revanche, c’est cela qui génère une marge d’erreur gigantesque.  Aujourd’hui, ça n’existe pas un prix moyen d’électricité sur la planète Terre. Et, mieux que ça, les industriels du minage ne sont ni à New York, ni à Paris, ni aux Philippines, ils sont dans des usines de production d’électricité très souvent et achètent les excès de production à des tarifs hyper concurrentiels qui n’ont rien à voir avec la moyenne du tarif mondial de l’électricité. C’est quand même un élément hyper important dont Cambridge n’a pas pu tenir compte dans sa méthodologie.

Extrait de l’étude Bitcoin: Cryptopayments Energy Efficiency 

Comment y avez-vous remédié ?
J’ai décidé de prendre une approche qui était beaucoup plus difficile en ne tenant jamais compte du prix d’électricité. Mais une fois que j’ai pris cette décision, le chemin devient beaucoup plus rugueux et difficile. La question se pose alors de savoir si le mineur va garder sa machine allumée ou éteinte ? C’est ça qui va compter dans le calcul de la consommation. J’ai regardé les fabricants de hardware de minage, et il y a un peu moins de cent modèles de 2009 jusqu’à aujourd’hui. De plus, nous connaissons la capacité de puissance en watt de chaque modèle. Ce qu’il me manque alors, c’est le nombre d’unités dans le temps de chaque modèle pour pouvoir calculer la consommation en temps réel. Mais il n’y a pas de données publiques de vente de ces hardware.

Comment avez-vous dès lors procédé ?
J’avais donc un challenge : soit je reviens sur la méthode de Cambridge, soit je résous le défi du taux de pénétration de chaque hardware dans le marché. Et heureusement il y a des modèles scientifiques pour dire, lorsqu’un produit rentre sur le marché, combien de temps met-il pour être livré, installé, puis synchronisé sur la blockchain de Bitcoin, jusqu’à ce qu’il devienne productif en minage. J’ai donc créé un modèle de calcul dans lequel je prends en compte l’efficience, c’est-à-dire le besoin en watts pour produire 1 tera hash en minage. Mais connaître les modèles de vente et le nombre de ventes ne suffit pas. Heureusement, la blockchain est un registre très valeureux parce qu’on peut y lire en temps réel, et de manière précise, cette puissance de calculs. Et sur cette base, on peut calculer de façon hyper précise la consommation. Et ça tombe à un résultat très précis de 88,95 TWh/an, en avril 2022. Le Cambridge Index s’est donc trompé de plus de 50%. C’est énorme ! Et c’est ça la première valeur de ce papier, c’est de donner un calcul, en temps réel, de la consommation de Bitcoin, dans le temps, très précise. 

Michel Khazzaka  l’auteur de l’étude Bitcoin: Cryptopayments Energy Efficiency 

Certaines personnes ont avancé que l’énergie liée aux employés et bâtiments n’avait pas été prise en compte dans le calcul de la consommation du Bitcoin.
Et bien si, nous les avons estimés et ils sont extrêmement marginaux et constituent moins de 1% des 88,95 TWh/an. 

Au sortir de votre étude, vous affirmez que le système de paiement qui repose sur le proof-of-work du Bitcoin consomme 56 fois moins d’énergie que le système de paiement électronique classique. Vous attendiez-vous à ce résultat ?
Pas du tout. J’avais une petite idée derrière la tête que l’industrie bancaire était gigantesque mais je n’avais vraiment pas d’attente. Je peux simplement vous dire que j’étais choqué de dire que Bitcoin consommerait plus que les banques. Je voyais le nombre de banques au monde, les data center qui buvaient parfois des rivières pour se refroidir… Je voyais mal Bitcoin consommer plus que l’écosystème bancaire, clairement. 

La question de l’énergie s’est posée pour moi dès 2014. Est-ce qu’on a une idée de combien consomment les systèmes bancaires et de paiement ? La réponse était toujours non, on n’a jamais eu une idée de la globalité de l’industrie de paiement ni de l’industrie bancaire d’ailleurs. C’est donc un deuxième apport de ce papier. C’est peut-être l’une des premières fois où une estimation de la consommation énergétique est faite pour cette industrie. 

Quel(s) espoir(s) nourrissez-vous aujourd’hui, maintenant que la lumière a été faite sur ces consommations ?  
Je suis quelqu’un d’ambitieux mais mes attentes étaient très modérées dans le sens où c’était un papier de recherche, autant scientifique que possible, autant expert que possible et un challenge que je voulais relever. Après, j’aimerais au moins que cela équilibre le débat, c’est-à-dire que, oui Bitcoin consomme beaucoup, parce qu’il consomme plus par transaction ; une transaction Bitcoin consomme à peu près 500 kWh contre un peu moins de 2 kWh dans l’écosystème bancaire. Mais la question c’est : que fait-il de cette consommation ? C’est là où Bitcoin est meilleur, il consomme un plus mais il fait mieux. 

Bitcoin, par transaction, est au moins aussi efficient que l’écosystème bancaire, j’étais choqué de le voir, et l’est 20 % de plus, en moyenne. Il est jusqu’à 40% plus efficient dans le maximum actuel de pic de transaction par bloc.

Sommaire de l’étude Bitcoin: Cryptopayments Energy Efficiency 

Ces résultats sont-ils précis ?
Précisons une chose, les calculs sur la consommation énergétique du côté bancaire, c’est comme Cambridge, c’est un best educated guess, alors que la partie sur Bitcoin est hyper précise. En revanche, j’ai fait des simplifications, j’ai exprimé, exposé la méthodologie, toutes les données sont open source, tout le monde peut aller les vérifier et les calculer par eux-mêmes. Donc parfois ce sont des bornes inférieures de consommation du côté bancaire, parfois je me base sur des données que je trouve, et donc le global fait que c’est à peu près des dizaines de fois plus en quantité d’énergie. 

En revanche, cela ne veut rien dire. C’est normal que Bitcoin consomme moins, il fait moins. Il rend un service inférieur aujourd’hui. Donc la question devient : quelle est l’efficience par transaction ? Est-ce qu’une transaction qui passe par Bitcoin est meilleure qu’une transaction qui passe par l’écosystème bancaire ou l’inverse ? C’est là où il y a une vraie concurrence. 

Vous avez évoqué, dans votre étude, le potentiel du Lightning network. À quoi peut-on s’attendre à l’avenir, dans le cadre d’un développement plus avancé de cette technologie ?
Bitcoin il a une seule promesse et il ne l’a pas encore tenue. Il a actuellement une valeur potentielle, c’est sa valeur de spéculation dans les exchanges. Des gens l’achètent en tant que valeur spéculative, réserve de valeur ou juste parce qu’il va être valorisé le lendemain. Mais comment va-t-il être valorisé le lendemain ? La valeur elle vient d’une seule chose : c’est la vélocité. Donc si on n’utilise pas Bitcoin pour faire les transactions, si on l’utilise uniquement pour de la thésaurisation ou de la spéculation, c’est un pari, c’est une valeur potentielle donc il n’aura pas tenu sa promesse. Bitcoin Lightning vient répondre à cette promesse.

Comme je dis toujours, la seule et dernière bataille à gagner par Bitcoin, c’est la bataille des paiements. S’il ne la gagne pas, il n’aura pas d’avenir. Si on utilise Bitcoin, avec Bitcoin Lightning, pour faire des transactions de paiement, qu’elles soient régulées ou pas, c’est de là que va naitre la valeur, c’est de là que l’efficience énergétique aussi aura du sens et sera infiniment supérieure au système bancaire. Pendant ce temps la promesse sera tenue à 100%, même surpassée. 

Un mot de conclusion ?
Oui. Un dernier point : la question énergétique représente 1% à 2% de la valeur de la blockchain, du Bitcoin ou de l’écosystème bancaire. Aujourd’hui, lorsque vous voulez payer, quelle que soit l’énergie associée, c’est un service dont vous avez besoin. C’est pareil pour Bitcoin, c’est une question anecdotique. Le travail essentiel c’est la valeur ajoutée. Et la valeur ajoutée est immensément plus grande que la consommation énergétique. On parle de monnaies programmables, on parle de smart contract, ou encore d’automatisation et c’est là où il y a de la valeur. Mon papier peut être assez important mais la valeur de la question elle-même n’est pas hyper fondamentale. Elle sert juste à régler, ou équilibrer, un débat.

Je ne fais pas ce papier pour qu’il soit utilisé comme fer de lance contre les banques. Malgré de gros problèmes, elles rendent un bon service. Il faut réformer l’écosystème bancaire et aller vers une banque digitale. C’est une transformation difficile et pour qu’elle réussisse au mieux, je pense qu’il faut marier les deux mondes. Il faut que des fintechs maximalistes ou non soient financées en partie par des banques et même adoptées et sponsorisées par celles-ci. C’est un peu le sens de l’histoire je pense.

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