L’Office québécois de la langue française intègre un lexique crypto

David Nathan
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Photo: iStock / parema

Ceux qui s’intéressent à la cryptosphère savent déjà que le nombre de mots anglais qu’on y rencontre est énorme. Token, blockchain, cryptocurrency, mining, Proof of Work, pour ne mentionner que les plus courants. L’utilisation de l’anglais est tout à fait légitime, Satoshi Nakamoto, l’inventeur de Bitcoin s’exprimait en effet en anglais sur les forums et son livre blanc fut également rédigé dans cette langue. L’anglais étant de surcroît la langue de prédilection du monde informatique depuis des décennies, tout le vocabulaire crypto s’est donc construit depuis 2009, année de naissance du Bitcoin, dans la langue de Paul McCartney (laissons le vieux Shakespeare se reposer un peu pour une fois).

Mais peu à peu, de façon organique, certains mots cryptos ont été francisés. On leur a trouvé des équivalents évidents, qu’on avait intuitivement envie de traduire. C’est ainsi que très vite, cryptocurrency est devenu cryptomonnaie, que le mining est devenu le minage et les miners des mineurs. Certains autres termes ont continué à être utilisés tantôt an anglais, tantôt en français comme Smart Contract que l’on traduisait parfois par contrat intelligent ou de hash rate qui devenait sous la plumes de quelques uns un taux de hachage ou bien encore blockchain qui se traduit par chaîne de blocs. Enfin, il y a la catégorie des mots cryptos anglais et des expressions qu’on ne traduit jamais ou presque. C’est le cas de altcoin, Hodl, To the Moon ou shitcoin.

Il y avait donc la place à une certaine harmonisation linguistique en ce qui concerne la francisation de tous ces termes et c’est là que l’Office québécois de la langue française est entré en jeu. «Nous sommes toujours à l’affût des nouveautés, des nouveaux concepts et nous faisons un travail de veille qui permet d’enrichir au fur et à mesure le grand dictionnaire terminologique, explique Xavier Darras, coordonnateur de la production terminologique à l’Office québécois de la langue française. Un des terminologues de l’Office, intéressé par le domaine, a remarqué en 2018 grâce à nos outils statistiques que beaucoup d’internautes s’intéressaient aux mots en lien avec le Bitcoin et la blockchain notamment. Nous avons donc décidé de nous attaquer à ce sujet”.

C’est ainsi qu’un an plus tard, apparaissait le Vocabulaire de la cryptomonnaie, une page regroupant un peu moins de cent termes cryptos couramment utilisés et traduits en français.

«Conscient du caractère novateur que revêt ce sujet, l’Office québécois de la langue française vous propose, avec la collaboration de l’Autorité des marchés financiers, de l’École de technologie supérieure ainsi que de l’Académie Bitcoin, un vocabulaire portant sur près d’une centaine de concepts, consacré à la terminologie des chaînes de blocs et de la cryptomonnaie. Un outil qui permettra à tous et toutes de discuter en français de l’émergence de cette technologie dans nos sociétés!» peut-on lire sur le site.

Xavier Darras nous avouera que certains termes ont donné à ses collègues terminologues et à lui-même du fil à retordre. Faire la distinction entre token et coin, traduire précisément le concept de cryptoasset ou celui d’ICO n’était pas aisé. Un autre exemple de difficulté, l’expression 51% Attack, qu’on traduit souvent par «l’attaque des 51%». Mais cette traduction ne satisfaisait pas les terminologues. «Quand on emploie l’attaque des 51%, on a l’impression en français que ce sont les 51% qui attaquent, explique le terminologue. Ça sonne comme l’attaque des Huns ou des Vikings. De plus, d’un point de vue technique, l’attaque des 51% peut se produire à partir de 50,4%. On a donc décidé de la traduire par Attaque par majorité».

Tout comme les questions de réglementation des cryptomonnaies sur le plan politique, fiscal, économique ou encore juridique sont en train d’être posées, les interrogations quant à la bonne façon de traduire les termes anglais sont légitimes et le travail que l’Office québécois de la langue française a entrepris dans ce sens, et qu’il continuera au fil des jours et de l’apparition de nouveaux mots cryptos, est salutaire. Si l’Office joue un rôle consultatif auprès du comité de terminologie de Radio-Canada, il n’a en revanche aucun pouvoir coercitif et il appartient à chaque média francophone de choisir comment seront écrits les mots et expressions en lien avec la cryptomonnaie dans leur média.

Si vous avez des suggestions de nature linguistique ou terminologique sur les mots cryptos anglais, vous pouvez communiquer avec l’équipe de la Banque de dépannage linguistique ou l’équipe du Grand dictionnaire terminologique.

Exemple de traduction avec le terme blockchain:

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