Le Lightning Network est-il déjà mort et enterré ?

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Ce texte est signé Manuel Valente, directeur analyses et recherche de chez Coinhouse.

Le lightning network est-il déjà mort et enterré ?
Photo: AdobeStock

Cherchez “lightning network” sur Google Trends. Vous verrez un pic d’intérêt massif entre octobre 2017 et avril 2018. Cette couche de deuxième niveau sur le réseau Bitcoin était alors annoncée comme la révolution qui allait amener les cryptomonnaies, et en premier lieu le Bitcoin, dans la poche de tout un chacun. Deux ans plus tard, ces promesses semblent de plus en plus difficiles à tenir et l’intérêt pour cette technologie semble avoir presque complètement disparu. Voyons pourquoi.

Le Lightning Network, solution aux problèmes de scalabilité de Bitcoin

“L’achat de votre café ce matin n’a pas vocation à rester sur la blockchain pour l’éternité”.

Cette phrase a souvent été entendue ou lue pendant le long débat de 2016-2017 concernant la scalabilité du réseau Bitcoin. Et ce n’est pas faux: le réseau Bitcoin supporte un maximum de sept transactions par seconde environ, et il n’est pas possible d’en supprimer une seule de la blockchain. Veut-on réellement y conserver des transactions insignifiantes de quelques centimes ou peut-on trouver un meilleur moyen de les prendre en compte ?

Le Lightning Network propose alors une solution: la création de canaux entre deux intervenants (par exemple deux places de marché) à l’intérieur desquels des milliers de transactions Bitcoin peuvent avoir lieu sans qu’elles soient inscrites sur la blockchain. Ces canaux sont particulièrement bien adaptés à des transactions de faibles montants, puisque les transactions sont instantanées et les commissions très faibles. En créant un réseau interconnecté de ces canaux, il devient possible de transférer simplement des fonds depuis n’importe quel portefeuille.

Dès le début, cette idée a fait face à des oppositions. Elles se sont focalisées sur deux critiques: l’idée que toutes les transactions ne soient pas écrites sur la blockchain implique une baisse de la confiance qu’on peut avoir dans le réseau, car des transactions pourraient ainsi disparaître. Et également, le fait qu’on introduise des tiers de confiance, les gestionnaires de canaux, implique une forme de centralisation contraire à l’esprit original du réseau.

Ces critiques ont abouti au hard fork de Bitcoin appelé Bitcoin Cash, qui a préféré implémenter la solution simple d’augmenter la taille des blocs plutôt que d’utiliser cette couche de second niveau, même si la solution de Bitcoin Cash présente elle aussi des problèmes techniques en matière de scalabilité.

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Un déploiement long et problématique

Trois ans plus tard, force est de constater que le Lightning Network ne s’est pas imposé comme une technologie majeure dans le monde des crypto-actifs.

Selon les informations fournies par bitcoinvisuals, après une augmentation rapide en 2017 et 2018, le nombre de canaux Lightning Network stagne à 29000 depuis un an. La capacité du réseau reste, elle, constante à 950 bitcoins environ. Mais plus inquiétant, certaines mesures comme l’excentricité du réseau ou le nombre de canaux-ponts indiquent que le réseau devient moins dense, avec moins d’options pour pouvoir exécuter une transaction, et une centralisation des noeuds en augmentation constante.

Des problèmes techniques sont également venus troubler le jeu, avec des développements informatiques qui se sont avérés complexes à résoudre. Pire, des articles récents affirment que l’ensemble du réseau Lightning est en proie à des attaques de submersion, qui pourraient causer la perte de bitcoins stockés dans les canaux.

On le voit, la demande n’est pas là : personne ne se bouscule pour créer de nouveaux canaux, les utilisateurs n’installent pas les portefeuilles, et très peu de transactions ont lieu. Il faut en être conscient, les personnes qui s’intéressent à l’écosystème des crypto-actifs aujourd’hui ne cherchent pas un nouveau moyen de paiement pour remplacer leur carte bleue ou leurs billets de banque, mais un vecteur d’investissement profitable.

La concurrence débarque, par le biais d’Ethereum et de la finance décentralisée

L’arrivée du “wrapped bitcoin”, ou wBTC, change complètement la donne. Un wBTC est une représentation d’un bitcoin sur la blockchain Ethereum: le sous-jacent du wBTC est un bitcoin conservé dans un portefeuille de l’émetteur du token, et qui donc possède la même valeur.

Un wBTC peut être transféré de la même façon que n’importe quel token ERC20, et utilisé dans la myriade de services que propose la finance décentralisée (DeFi) Ethereum. C’est là que de nombreuses personnes commencent à manifester un intérêt, car cela leur permet notamment d’utiliser leurs bitcoins dans des systèmes de crédit, ou de réaliser des transactions complexes. Tout le monde est ainsi gagnant: la DeFi bénéficie d’une importante liquidité par l’apport de bitcoins, et les propriétaires de bitcoins peuvent les investir et en tirer un revenu.

D’avril à juillet 2020, le nombre de wBTC disponibles sur le marché est ainsi passé de 500 à plus de 11000, soit dix fois plus que le Lightning Network, avec une croissance qui s’accélère fortement sur le dernier mois. renBTC et sBTC sont des alternatives qui, elles aussi, sont en forte demande, et répondent au besoin exprimé par les investisseurs.

Est-ce fini pour le Lightning Network ?

L’année 2020 est très clairement l’année de la DeFi. Il semble aujourd’hui que le Lightning Network ne résiste pas à cette déferlante de services et de projets qui secouent le monde des cryptomonnaies. De nouveaux vecteurs d’investissement innovants et particulièrement attractifs se créent. Non qu’il faille directement enterrer le projet: rien ne dit que la demande pour ce réseau de paiement ne décollera pas, au gré des besoins et des usages. Mais aujourd’hui, il semble bien que sa promesse de s’imposer globalement comme un réseau de paiement rapide, décentralisé, et efficace est une perspective qui s’éloigne progressivement.

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