Le plan de Biden de taxer le minage de crypto va-t-il réduire les émissions ? Les critiques disent non

Rose Bidzogo
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Source: Adobe/amirul syaidi

Le président des États-Unis Joe Biden prévoit d’imposer une nouvelle taxe sur le minage des cryptos dans son pays d’ici 2024. Cette disposition est prévue dans le budget de l’exercice 2024 dans le cadre de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le projet doit d’abord passer par le vote du Congrès avant d’être adopté. La communauté crypto a réagi à cette annonce, laissant place à un débat ouvert.

Une nouvelle taxe sur le minage de crypto

Le président Joe Biden envisage d’appliquer une taxe de 30 % sur le coût de l’électricité dès 2024. Cette disposition est prévue dans le budget de l’Etat américain qui doit encore être approuvé par le parlement.

Les autorités pensent que cette taxe va permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre, les coûts de l’électricité ainsi que la pollution de l’environnement local.

Il faut rappeler que le minage ou l’extraction des crypto-monnaies demande de grandes ressources en électricité car pendant ce processus des ordinateurs essayent de résoudre des équations dont la complexité est graduelle. Au bout du processus, de nouveaux blocs sont créés et ajoutés à la chaîne de blocs.

D’après le Conseil économique de la Maison Blanche, la taxe aide à la prise de conscience des entreprises pour les dommages qu’elles infligent à la société. L’institution ajoute que l’objectif de la taxe est de collecter une part de l’argent généré les extracteurs de crypto qui s’estime à 3,5 milliards de dollars sur 10 ans. De cette manière, les mineurs payent leur part de l’impact qu’ils imposent aux communautés locales.

Avec cette taxe, le gouvernement américain veut mettre la pression financière sur les mineurs afin qu’ils réduisent leur consommation d’énergie. Une réaction en chaîne devrait permettre de réduire théoriquement les émissions de carbone des États-Unis en réduisant la production d’électricité qui participe pour beaucoup à l’émission de carbone.

C’est la même stratégie qui s’applique dans le cadre des taxes sur le carbone pour réduire la pollution. Elles ont pour objectif de décourager les émetteurs en leur faisant payer le coût social de leurs émissions.

La communauté crypto critique la taxe

Comme on pouvait s’y attendre, la taxe ne fait pas l’unanimité, surtout du côté de la communauté crypto. Certains pensent que l’instauration de cette taxe va tout simplement pousser les mineurs à s’installer à l’étranger.

Ils pensent que les mineurs verront d’un bon œil d’aller dans des pays où les taux d’imposition sont bien moins élevés qu’aux États-Unis et avec des réglementations environnementales plus accessibles.

Le plan prévu par les autorités américaines ne fera que déplacer le problème au lieu de le résoudre. C’est qu’on appelle « fuite de carbone », un phénomène qui va conduire les pollueurs à émettre de grandes quantités de dioxyde de carbone dans un endroit différent de celui où ils sont installés, sans pour autant réduire la quantité des émissions.

Le co-fondateur de Coin Metrics, Nic Carter, a aussi indiqué que les pays qui vont accueillir les mineurs peuvent avoir une faible proportion d’énergie produite par des sources renouvelables, ce qui contribuerait à augmenter les émissions de carbone.

Il a ajouté que la taxe serait également contre-productive pour l’économie américaine. Les recettes fiscales vont baisser tandis que les émissions de carbone augmenteraient.

Une mesure qui tend à se généraliser pour être efficace

Le Conseil économique de la Maison Blanche a également analysé la possibilité que des mineurs décident de s’installer à l’étranger. Dans un article de blog, il dit qu’il faut se préoccuper de cette situation. Toutefois, il faut aussi prendre en compte le fait que d’autres pays pensent à durcir les règles sur l’extraction de crypto-monnaies. Certains pays ont même déjà interdit l’activité sur leur sol.

D’après le responsable du projet Bitcoin du groupe environnemental Greenpeace USA, Joshua Archer, il est probable que des réglementations strictes ou des taxes dissuasives soient appliquées dans les pays qui vont accueillir les mineurs à l’avenir. La solution idéale pour lui, c’est que Bitcoin change son protocole de preuve de travail pour un consensus de preuve de participation comme Ethereum.

La Chine par exemple, est l’un des pays au monde à avoir interdit l’extraction de crypto-monnaie sur son territoire. Cette décision a été prise dans un but de réduire la consommation d’électricité et l’impact environnemental.

Selon des études menées sur l’efficacité de cette interdiction, la décision a été contre-productive. Les mineurs se sont installés dans des pays qui utilisent plus d’énergie polluantes, ce qui a contribué à augmenter les émissions mondiales.

Une autre conséquence de l’activité d’extraction des crypto-monnaies, c’est qu’elle fait monter les coûts d’électricité pour tout le monde d’après le Conseil économique américain.

Les mineurs de crypto accusés à tort ?

Les mineurs ne sont pas ce qu’on veut présenter au public d’après Fred Thiel, PDG de Marathon Digital Holdings, une société de minage de Bitcoin. Selon lui, l’extraction minière de Bitcoin « incite naturellement à la production d’énergie renouvelable ».

Pour soutenir son point de vue, Thiel explique que les projets de construction de sites de production d’énergie verte (les parcs solaires et éoliens) ne sont viables que s’il existe une demande constante de l’énergie produite.

Les mineurs sont des consommateurs d’énergie constants contrairement aux consommateurs lambda. De ce fait, c’est grâce aux mineurs de crypto que le réseau peut être stabilisé et que les projets d’énergie verte peuvent être réalisés financièrement.

L’extraction de Bitcoin joue un rôle assez important aux États-Unis car non seulement elle encourage la production d’énergie renouvelable, mais aussi elle consomme l’énergie excédentaire des sources d’énergie renouvelables. En effet cette énergie excédentaire ne peut pas être renvoyée sur le réseau et sera donc gaspillée.

Thiel a cité un rapport du Bitcoin Mining Council (BMC) qui a fait une enquête sur la qualité de l’électricité utilisée dans l’industrie d’extraction de Bitcoin. Selon cette étude de la BMC, 58,9 % de l’électricité utilisée pour extraire du Bitcoin au cours du dernier trimestre 2022 venait des sources d’énergie renouvelables. Ce taux est en nette progression avec le temps.

Le PDG de Marathon Digital Holdings a indiqué que la taxe que l’administration Biden envisageait d’instaurer était un tir contre l’industrie spécifique. Une méthode plus efficace pour réduire les émissions mondiales aurait été de cibler les modes de production de l’électricité et non certaines industries qui l’utilisent.

Pour Thiel, cette taxe serait juste une attaque politique ciblée contre l’industrie de la crypto pour « mettre les mineurs de Bitcoin à la faillite ».