L’industrie crypto a-t-elle peur de la SEC ?

Paul Guillot
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C’est en tous cas ce qu’a soutenu la sénatrice du Massachussetts, Mme Elizabeth Warren, qui a appelé, ce mercredi 25 janvier lors d’un discours discours prononcé devant les membres du Projet sur les Libertés Economiques Américaines (PLEA), la SEC a durcir sa ligne et punir plus sévèrement les fraudes. 

“L’industrie crypto est effrayée par une SEC puissante”

Lors de cet évènement, intitulé “Faire face au défi crypto : que retenir d’un l’effondrement”, la sénatrice a en outre déclaré que : 

[l’industrie crypto est] effrayée par une SEC puissante. L’institution a déjà trainé en justice des personnalités célèbres de l’écosystème crypto parce que ces dernières avaient refusé de dévoiler publiquement leur rémunération ; elle s’est chargée des employés de plateformes d’échange de crypto actifs comme Coinbase qui se livraient à des délits d’initié, et elle a puni ces crypto escrocs qui ont entourloupé des investisseurs ordinaires pour des sommes qui se comptent en millions de dollars. 

Et d’après Mme Elizabeth Warren, ces faits d’armes ne sont que les premiers d’une longue série car l’institution en charge de l’autorité des marchés financiers américains, la SEC, n’en serait qu’à ses coups d’essais et commencerait seulement maintenant à prendre la chose au sérieux. 

La SEC n’est pas la seule institution gouvernementale à être aux prises avec les acteurs du monde de la crypto ; plusieurs agences américaines ont pataugé dans les eaux troubles de la crypto, comme la “Commodity Futures Trading Commission” (CFTC), la Federal Trade Commission” (FTC), la “Federal Deposit Insurance Corporation” (FDIC), sans oublier le ministère de la Justice. On pourrait continuer cette liste encore longtemps. 

Du côté de l’industrie crypto, il semble qu’on préférerait traiter avec la CFTC, réputée plus souple et ouverte. Mais la sénatrice Warren a estimé que la SEC, sous la direction de son actuel président, Gary Gensler, était mieux outillée pour le travail à accomplir. Elle a par ailleurs félicité cette dernière pour avoir empêché les Fonds Négociés en Bourse (FNB) adossés à la valeur du Bitcoin d’entrer sur le marché.

“Une menace pour tout l’écosystème”

C’est du moins ce que pense un ancien commissaire de la CFTC, l’agence américaine chargée de la régulation des bourses de commerce où s’échangent les matières premières. 

Car justement la sénatrice du Massachussetts va loin dans ces propos :

La SEC a été claire. L’industrie de la crypto n’obtiendra pas de laisser-passer qui lui permettraient d’ignorer les lois qui sécurisent nos marchés financiers ainsi que nos investisseurs. L’approche actuelle est la bonne ; la SEC est dotée des bonne règles et de l’expérience requise ici. Et Gary Gensler démontre qu’il est la bonne personne pour accomplir le travail.

Mais tandis que Warren chante les louanges de Gensler, nombreuses sont les personnes, même parmi les proches de la sénatrice au Congrès, doute des capacités de l’actuel président de la commission. Des voix s’élèvent pour dire que ce dernier aurait été trop laxiste à l’égard de Sam Bankman-Fried, PDG déchu de FTX, et de ce qu’il serait arbitraire dans ses décisions, poussant certaines entreprises à la faillite tout en laissant prospérer les autres. 

Ce qui n’empêche en rien la sénatrice Elizabeth Warren de plaider pour que le Congrès américain octroie à la SEC des pouvoirs plus grands et de nouvelles ressources, estimant que :

La SEC doit faire encore plus et utiliser tous les moyens de régulations dont elle dispose pour contrôler le marché crypto.

Et la sénatrice d’ajouter de l’eau à son moulin en soulignant l’effondrement de plusieurs sociétés du secteur crypto en 2022, notamment Celsius, FTX, Voyager Digital et Three Arrow Capital. Raison de plus, selon elle, pour que la SEC durcisse ses règlementations et étende son influence. 

Les combats de Warren

En décembre dernier, la sénatrice s’était attaquée aux portefeuilles digitaux qui permettent la “self-custody” des crypto actifs, lorsqu’elle cosignait un projet de loi appelé “Digital Asset Anti-Money Laundering Act” (Loi sur les actifs numériques qui vise à prévenir le blanchiment d’argent) avec le sénateur Roger Marshall.

Le texte de loi, si adopté, imposerait des exigences de connaissance de leurs clients (KYC) aux fournisseurs d’infrastructure de blockchain et aux acteurs crypto opérant aux États-Unis. Cette exigence s’étendrait jusqu’aux développeurs de réseaux décentralisés, aux mineurs et aux validateurs. De quoi faire voler en éclat les rêves d’anonymats que partagé une partie de la communauté crypto. 

Elizabeth Warren a aussi appelé les agences environnementales à poursuivre en justice les mineurs de crypto, qu’elle désigne comme responsables de l’augmentation des coûts énergétiques et de la pollution de l’environnement. 

Certes l’impact environnemental du minage est un problème que les législateurs font souvent résonner dans les appels à son interdiction. Mais c’est oubliés les efforts faits par le Bitcoin Mining Council pour augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétiques des mines de crypto, laquelle est passée, depuis l’origine de Bitcoin à nos jours, de 1% à 58,5%.

En outre, la sénatrice blâme les législateurs de l’administration de l’ancien président Donald Trump pour avoir donné le feu vert de façon prématurée à un marché qu’elle a qualifié comme rempli de :

 […] jetons inutiles et de titres non enregistrés, de “pump and dump”, de schémas de Ponzi, de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale. 

Avant de poursuivre :

Ce n’est pas une surprise si en 2017, près de 80% des ICO étaient des escroqueries. Cela a causé la perte d’environ 9 millions de dollars par jours aux investisseurs.

Enfin, notons les louanges de la sénatrice quant aux actions de la SEC contre les entreprises proposant des “produits de prêt de crypto dangereux et non réglementés”, faisant ouvertement référence à la société BlockFi, qui s’est récemment déclarée en faillite.