Qui peut faire chuter Ethereum de son trône ?

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Ce texte est signé Manuel Valente, directeur analyses et recherche de chez Coinhouse.

Photo: Adobe Stock

Le premier semestre 2020 a vu un développement inédit de l’écosystème Ethereum. L’attrait de la plateforme continue constamment à augmenter et certains observateurs prédisent même qu’elle pourra un jour dépasser Bitcoin en usage et en valorisation. Mais est-ce imaginable ? Quels sont les challengers possibles à la dominance actuelle d’Ethereum sur le marché ?

Première question: quel est l’intérêt fondamental d’Ethereum ?

Même s’il est possible de programmer du code dans les transactions Bitcoin ou d’autres blockchains, cette fonctionnalité reste frustre et basique. Ethereum a été le projet qui a créé la notion de monnaie programmable, avec le smart contract: un programme informatique stocké sur une blockchain, qui peut recevoir des commandes de la part d’utilisateurs, stocker et envoyer des fonds, et interagir avec d’autres smart contracts.

À partir de cette brique fondamentale sont nés depuis 2016, des projets de plateformes de change, de prêts, d’assurance, de marchés prédictifs ou de tokenisation, auxquels on donne collectivement le nom de finance décentralisée ou DeFi. La véritable force de ces projets est qu’ils sont tous nativement et immédiatement interopérables: il est ainsi possible d’emprunter des fonds sur MakerDAO, de les placer pour toucher un revenu sur Aave, tout en prenant une assurance sur Nexus Mutual.

L’écosystème pousse les limites jusqu’à créer des jetons qui représentent des bitcoins, comme WBTC ou sBTC et qui peuvent immédiatement servir de paiement ou de collatéral pour des emprunts DeFi.

Quelles en sont les limites ?

Les problèmes d’Ethereum sont semblables à ceux de Bitcoin, et se résument en un mot: la scalabilité. Pour véritablement s’imposer en tant que réseau hébergeant des applications financières, Ethereum doit pouvoir supporter des milliers de transactions par seconde, prouver que le réseau est à l’abri des attaques tant informatiques que juridiques, et utiliser un modèle de vérification de transactions qui ne soit pas un gouffre énergétique.

Tous ces problèmes sont adressés par la sortie prévue cette année de Ethereum 2.0. Mais d’autres projets blockchain sont sur ses traces, répondant aux mêmes problématiques et ayant bénéficié de l’expérience de cette première tentative. La question fondamentale est de savoir si ces projets peuvent rattraper Ethereum.

Qui sont ces concurrents ?

On peut citer deux types de concurrents à Ethereum: les blockchains qui implémentent des smart contracts et les meta-blockchains.

Les premières sont les plus connues: EOS, Tezos, TRON et Cardano sont celles qui ont connu le plus important développement. Elles offrent en théorie des fonctionnalités proches d’Ethereum, en se distinguant sur des aspects précis.

Tezos fonctionne dès le premier jour en preuve d’enjeu, permettant de gagner un revenu par le biais du staking, et essaie de se tailler une niche dans le monde de la blockchain corporate. EOS et TRON font le pari de la vitesse et du nombre de transactions, au détriment de la décentralisation.

Cardano ressemble beaucoup à Tezos mais s’impose des processus de développement contraignants qui lui font prendre beaucoup de retard. Le réseau supporte les fonctions basiques mais on ne peut toujours par y créer son application, malgré une capitalisation de marché plus que confortable.

Le deuxième type de concurrent auquel Ethereum fait face, ce sont les méta-blockchains, ces projets qui visent à établir des ponts entre toutes les blockchains existantes. Encore qu’il s’agisse là d’une concurrence indirecte: de tels projets ne feraient qu’absorber les fonctionnalités d’Ethereum pour les mettre à disposition d’autres projets éventuellement compatibles. Dans cette catégorie, on peut citer Polkadot, Cosmos, ou encore Avalanche. Tous ces projets sont cependant à un stade expérimental, et représentent une complexité de développement loin d’être négligeable.

Quelles sont les killer apps des concurrents d’Ethereum ?

Il n’y a pas grand chose pour le moment. Les seules applications qui montrent des volumes d’échange importants sont actuellement sur EOS et concernent quasiment exclusivement des jeux vidéo et des jeux d’argent, d’après https://www.stateofthedapps.com.

Même si Tezos fait des progrès dans le monde de l’entreprise et propose d’ores et déjà un système en preuve d’enjeu efficient, aucune de ces plateformes ne propose actuellement des produits grand public, avec un volume non négligeable et le potentiel de disrupter le monde de la finance traditionnelle. Et c’est bien regrettable.

Comment la situation évolue-t-elle ?

Selon une étude de Outlier ventures, le nombre de développeurs de la blockchain EOS a chuté de 85% en un an. Celui de TRON de 50%. Or, ce sont les développeurs et leurs projets qui font la vigueur d’un écosystème.

Au fur et à mesure que le nombre d’applications, de librairies, de développeurs augmente sur Ethereum, les talents y sont attirés de plus en plus fortement. Ce réseau représente aujourd’hui 80% des applications décentralisées, et ce nombre risque fort de continuer de grimper à l’avenir.

Cette concentration se renforce d’autant plus que l’interopérabilité des applications décentralisées enrichit de prime abord n’importe quel projet Ethereum le jour même de son lancement.

Faut-il pour autant enterrer les concurrents d’Ethereum ?

Pas tout de suite. Tout d’abord, Ethereum 2.0 est actuellement en train d’absorber une bonne partie des ressources de développement sur la plateforme. C’est un projet d’une très grande complexité, de l’aveu même des développeurs qui travaillent dessus. S’il n’aboutissait pas, ou seulement avec des problèmes qui en diminueraient fortement l’intérêt, il y a fort à parier que les développeurs d’applications chercheraient rapidement des alternatives pour héberger leurs projets.

Mais surtout, il y a l’arrivée planifiée des méta-blockchains dont nous avons parlées. La question de savoir sur quelle blockchain développer ne se posera peut-être bientôt plus, puisque leur objectif est de les rendre toutes compatibles. Ethereum ne serait alors qu’un choix parmi d’autres, en fonction des besoins d’un projet particulier, et l’interopérabilité deviendrait transparente.

Aujourd’hui, il est clair qu’Ethereum domine très largement le marché des blockchains de smart contracts et que cette domination a même tendance à se renforcer, rendant le travail des concurrents directs pour rattraper leur retard difficile. La valorisation de l’actif Ethereum devrait probablement refléter cet état de fait dans les années qui viennent.

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