Où en est-on de la réglementation crypto dans le monde ?

Benoit de Jessey
| 7 min de lecture

La réglementation des cryptomonnaies est un sujet qui suscite un intérêt croissant à l’échelle mondiale. Les gouvernements et les institutions financières sont de plus en plus conscients de la nécessité de mettre en place des cadres réglementaires pour encadrer cette nouvelle classe d’actifs. D’une manière générale, les Etats ont tendance à proposer un cadre réglementaire visant au respect des normes anti-blanchiment et financement du terrorisme (AML/CFT). 

Les différentes réglementations dans le monde

 

AMERIQUE DU NORD

Canada

Le Canada a adopté une approche proactive en matière de réglementation des cryptomonnaies. Les entreprises liées aux cryptomonnaies doivent se conformer aux réglementations sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (AML/CFT). Les exchange sont également soumis à des licences et à des audits réguliers.

 

USA

Aux États-Unis, la réglementation est fragmentée entre plusieurs agences, notamment la SEC (Securities and Exchange Commission) pour les tokens considérés comme des titres, et la CFTC (Commodity Futures Trading Commission) pour les produits dérivés de cryptomonnaies. Un cadre réglementaire unifié est toujours en discussion au Congrès.

 

AMERIQUE DU SUD

Brésil

Au Brésil, la réglementation des cryptomonnaies est en cours de développement, mais des avancées significatives ont été réalisées ces dernières années. La Commission des valeurs mobilières (CVM), l’équivalent brésilien de la SEC aux États-Unis, a émis des directives indiquant que les cryptomonnaies ne sont pas considérées comme des valeurs mobilières et ne relèvent donc pas de sa juridiction.

Le gouvernement brésilien a également pris des mesures pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur des cryptomonnaies. Les entreprises opérant dans ce secteur sont tenues de se conformer aux réglementations AML/CFT et de signaler toute transaction suspecte aux autorités compétentes.

Des discussions sont en cours au sein du gouvernement pour établir des réglementations plus complètes qui pourraient inclure des licences pour les échanges de cryptomonnaies et des mesures de protection pour les investisseurs.

 

EUROPE

Union Européenne

Au sein de l’Union Européenne, le règlement MiCA (Markets in Crypto-assets) a été adopté. Ce règlement vise à établir un marché unique pour les cryptomonnaies au sein de l’UE. Il couvre non seulement les exchanges mais aussi les wallets et les ICO. L’objectif est de créer un environnement réglementaire harmonisé qui protège les consommateurs et assure la stabilité financière. Le règlement MiCA prévoit également des mesures spécifiques pour les stablecoins, en raison de leur potentiel à affecter la stabilité monétaire. 

Au sein de l’UE, la France s’est érigée en porte-étendard de la législation et fait office d’exemple depuis la loi Pacte de 2019.

Royaume-Uni

Après le Brexit, le Royaume-Uni a cherché à se positionner comme un hub mondial pour les technologies financières, y compris les cryptomonnaies. La Financial Conduct Authority (FCA) a déjà pris des mesures significatives, notamment en interdisant la vente de dérivés de cryptomonnaies aux investisseurs particuliers. Cette interdiction a été justifiée par les risques élevés de pertes pour les consommateurs. Par ailleurs, la FCA a mis en place un régime d’enregistrement pour les entreprises opérant dans le secteur des cryptomonnaies, exigeant d’elles qu’elles se conforment aux réglementations sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Suisse

La Suisse est souvent citée comme un exemple de réussite en matière de réglementation des cryptomonnaies.Le pays a adopté une approche favorable à l’innovation, notamment avec la fameuse « Crypto Valley » (Zoug) où les entreprises peuvent expérimenter dans un cadre réglementaire flexible. La Suisse a également été l’un des premiers pays à émettre des directives claires sur la manière dont les ICO devraient être réglementées, permettant aux entreprises de mieux comprendre leurs obligations réglementaires. Plus récemment, la FINMA a annoncé qu’une licence bancaire serait nécessaire pour les opérations de staking et fait actuellement face à une levée de boucliers de la part de l’industrie.

ASIE

Singapour

Singapour a été l’un des premiers pays à adopter un cadre réglementaire complet pour les cryptomonnaies. Le pays a mis en place des licences pour les services de paiement, y compris les échanges de cryptomonnaies, et a récemment adopté des réglementations pour les stablecoins. C’est devenu un hub international pour les entreprises liées à cet écosystème.

Chine

La Chine a interdit les échanges de cryptomonnaies et le minage, tout en développant sa propre monnaie numérique, le DCEP (Digital Currency Electronic Payment). Cette monnaie est actuellement en phase de test dans plusieurs villes.

Hong Kong

Devenu un véritable hub économique, Hong Kong sert de terrain d’essai pour la Chine en matière de réglementation des cryptomonnaies. Les autorités ont mis en place un « bac à sable réglementaire » pour tester différentes approches avant de les appliquer à l’échelle nationale.

AFRIQUE

Nigeria

La Banque centrale du Nigeria (CBN) avait émis des avis réglementaires en 2021 interdisant explicitement l’utilisation de Bitcoin et d’autres crypto-monnaies par les institutions financières. En 2022, la CBN a introduit certaines réglementations pour les actifs numériques, y compris des frais d’inscription et des exigences pour les fournisseurs de services d’actifs virtuels.

Kenya

Le Kenya a l’un des taux les plus élevés de propriété de crypto-monnaies au monde, avec 8,5% de sa population. En 2023, le gouvernement a révélé une proposition d’introduire une taxe de 3% sur les actifs numériques, ce qui pourrait indiquer une forme de reconnaissance gouvernementale.

Afrique du Sud

L’Afrique du Sud a une réglementation favorable en matière de crypto-monnaies. Une collaboration entre la Financial Sector Conduct Authority (FSCA) et la SARB a esquissé un cadre réglementaire pour l’industrie. Les fournisseurs de services de crypto-monnaies seraient tenus de s’inscrire auprès du Financial Intelligence Centre (FIC) et de se conformer aux réglementations AML et CTF.

Maurice

Maurice est l’un des pays les plus progressistes en termes de réglementation et d’adoption de la crypto en Afrique. En 2021, le pays a publié le premier cadre de licence crypto en Afrique, la Virtual Asset and Initial Token Offering Services Act (VAITOS Act), qui offre des directives pour la conformité internationale. 

Initiatives internationales

Les organisations internationales jouent un rôle crucial dans la réglementation des cryptomonnaies. Le Financial Stability Board (FSB) a finalisé un cadre réglementaire mondial pour les activités liées aux crypto-actifs. Ce cadre vise à harmoniser les réglementations à l’échelle globale et à minimiser les risques pour la stabilité financière mondiale. Le Fonds Monétaire International (FMI) a également publié des directives sur les politiques nécessaires pour protéger les économies et les investisseurs dans le domaine des cryptomonnaies. L’importance de ces initiatives a été soulignée lors du récent sommet du G20 en Inde, où les nations membres ont décidé de suivre les recommandations du FSB et du FMI. Cette décision marque une étape importante vers une réglementation coordonnée des cryptomonnaies à l’échelle mondiale.

L’un des principaux défis sera de trouver le bon équilibre entre la réglementation et l’innovation. Trop de réglementation pourrait étouffer l’innovation, tandis qu’une réglementation insuffisante pourrait ouvrir la porte à des activités illicites. La réglementation des cryptomonnaies est un domaine en constante évolution qui nécessite une attention et une coordination internationales. Alors que certains pays ont déjà pris des mesures significatives, d’autres sont encore en train de définir leur approche.