Que retenir du Virtuality Web3 Summit ?

Paul Guillot
| 8 min de lecture

Le “Virtuality Web3 Summit”, qui s’est tenu ces 16 et 17 mars sous les verrières du Carreau du Temple, à Paris, a été l’occasion de faire le point sur un thème d’actualité, dans le petit monde grandissant du Web3, qui inspire à foison les entrepreneurs en quête de projets neufs  : l’articulation du “gaming” et des NFT. 

Le gaming à l’ère du Web3

A peu près quarante-huit heures avant la publication de ces lignes, et moins de vingt-quatre avant que ne débute la Paris Blockchain Week, se concluait, sur la scène principale du Virtuality Web3 Summit, une table ronde organisée par l’Adan (Association pour le développement des actifs numériques). 

La question, centrale, qui a occupée les cinq intervenants réunis face à une salle comble, pendant une heure, est la suivante : quelles sont les nouvelles opportunités que les NFT et le principe du Play to Own apportent à l’univers du gaming ? 

Pour tenter de répondre à cette épineuse question, voici un panel d’experts. Il est composé d’Arnaud Kamphuis (Directeur de la communication de The Sandbox), de Vincent Le Gallic (CTO de Cometh), de Bilal El Alamy (Fondateur de Pyratz Labs), de Nicolas Pouard (en charge des projets blockchain chez Ubisoft) et de Constantin Garreau (Directeur de l’innovation chez PMU). 

Après un mot d’introduction, et avant d’entrer dans le vif du sujet, un consensus émerge entre les intervenants, par la voix de Nicolas Pouard : le marché, l’univers du gaming est le secteur le mieux doté pour diffuser au grand public les valeurs et les usages inhérents aux technologies du Web3. Ainsi, l’adoption massive de la blockchain par les populations du monde entier pourrait avoir pour vecteur premier l’industrie des jeux vidéo. 

“Les NFT ne suffisent pas”

C’est en somme l’avis de Constantin Garreau. Le directeur de l’innovation de PMU – opérateur de paris hippiques parmi les plus célèbres du monde – fort des premiers retours sur expérience du nouveau jeu Stables, pense que :

Pour créer un jeu avec un réelle profondeur, les NFT ne suffisent pas.

Pour lui, la technologie de la blockchain a permis a PMU, qu’il reconnaît avec ironie n’être pas la société dont le secteur d’activité a le plus évolué sur les cent dernières années, de repenser sa proposition de valeur ainsi que ses rapports avec ses clients

Tout l’enjeu, donc, pour Stables, et par extension pour PMU, se concentre en ceci : rendre les courses et les paris hippiques accessibles à tout utilisateur muni d’un portefeuille numérique, lui offrir de posséder un actif digital – qui prendra la forme d’un cheval et ainsi sera une sorte de “jumeau digital” d’un être réel – et enfin, de lui proposer des cas d’usages expérientiels nouveaux.

Ce constat lapidaire, que l’intégration de NFT dans les jeux vidéos ne suffit pas à séduire les gamers, est encore assombri par le point de vue de Nicolas Pouard, chargé des projets blockchain chez Ubisoft – géant français du développement, de l’édition et de la distribution de jeux vidéos. Il insiste. Les NFT ne suffisent pas, mais en plus, leur introduction dans l’univers du gaming – qui, précise-t-il, est en réalité celui du hard gaming – a été plutôt mal accueillie par les communautés de joueurs, de hard gamers. Car ces dernières sont composées d’individus très exigeants qu’il faut savoir considérer experts dans leur domaine, c’est à dire dans les jeux vidéo. 

“Création d’un historique d’expériences avec les joueurs”

Si les intervenants réunis s’accordent à dire que l’intégration de NFT dans un jeu vidéo ne suffit pas à séduire les communautés de joueurs, ils n’en ont pas pour autant moins d’idées sur comment résoudre ce problème. 

C’est notamment le cas de Bilal El Alamy, qui, à peine la parole lui est-elle donnée, tient à souligner la leçon principale que les premières tentatives d’articulation du gaming et du web3 lui ont enseignées : l’humilité. 

Car les joueurs, les gamers, et plus encore les hard gamers savent précisément ce qu’ils veulent lorsqu’ils paient pour jouer à un jeu ; ils veulent une expérience, inédite, immersive et souvent solitaire ; rien de plus importun, dès lors, que l’arrivée dans un jeu de nouveaux éléments non nécessaires, accessoires et perçu comme inutiles à l’expérience essentielle qui est celle promise par l’éditeur. 

Le fondateur de Pyratz Labs, ensuite, présente trois aspects, ou dimensions, qui selon lui doivent être au mieux coordonnées afin d’articuler de façon pertinente les technologies et le potentiel du web3 avec le domaine des jeux vidéo. 

  • La dimension philosophique de la propriété digitale.
  • La dimension opérationnelle, ou infrastructurelle, d’un projet basé sur une blockchain.
  • La dimension financière qu’implique les notions de rareté et de propriétés digitales. 

Si ces trois dimensions sont harmonieusement liées, il est possible, selon les mots de Bilal El Alamy : 

[D]e créer un écosystème de jeux qui auraient en commun, qui partageraient des actifs digitaux. Ce qui permettrait la création d’un historique d’expériences avec les joueurs.

UGC ou abstraction de la complexité ? 

Une plateforme UGC, c’est à dire une plateforme où les utilisateurs, à qui sont fournis divers outils, peuvent à l’aide de ces derniers participer à la création de l’univers digital au sein duquel ils se trouvent. C’est, concrètement, ce que propose The Sandbox, dont le directeur de la communication explique l’objectif de son entreprise comme suit : 

Nous voulons donner les outils nécessaires aux utilisateurs pour qu’ils puissent, de concert, définir et créer le métavers comme ils le conçoivent. 

Une stratégie raccord avec la statistique donnée par Arnaud Kamphuis ; 80% des individus de la génération Z aspirent à être des créateurs. Certes, ils seront consommateurs, mais ils veulent créer. Ainsi, la boîte à outils proposée par The Sandbox prend tout son sens. 

Dans le cas d’une telle plateforme, le lien entre jeux vidéo et NFT semble plus propice, et probablement est-il même souhaitable. 

On compte d’ailleurs plusieurs acteurs traditionnels, aux noms bien connus, tel que AXA (oui, les assurances) ou Play Boy (oui oui, le magazine), parmi les propriétaires de parcelles de terrain digitales, lesquelles prennent la forme, plutôt que d’un contrat, d’un NFT. 

Mais le User Generated Content, il faut bien le dire, ce n’est pas pour le premier venu ; il faut s’y connaître un peu, il faut être un peu geek ou avoir joué à Minecraft pendant des heures (ce qui, plus ou moins, revient au même). 

C’est par ailleurs sur cette concession que Vincent Le Gallic, directeur technologique de Cometh, un jeu de cartes web3 où tactiques et stratégies sont essentielles, base son opinion. 

Pour lui, il ne fait aucun doute qu’un des problèmes majeurs, qui empêchent la pleine intégration des NFT dans l’univers des jeux vidéos et repoussent l’approbation des gamers, réside dans la complexité de la technologie sous-jacente. En effet, la blockchain n’est pas une mince affaire, et la compréhension des tenants et des aboutissants de cette nouvelle technologie n’est pas aisée. Ainsi, pense Vincent Le Gallic, il ne faut pas aller chercher midi à quatorze heures. Pour résoudre ce problème, il faut rendre invisible la complexité. 

De même que les sociétés spécialisées dans les solutions de paiements par carte bancaire ont su abstraire toutes les difficultés de compréhension des échanges interbancaires ou de la S.W.I.F.T en proposant une expérience utilisateur simple, directe et dépouillée de toute proactivité côté utilisateur, de même, Cometh cherche à abstraire la complexité de la blockchain pour qu’elle ne soit plus un frein à l’adoption ses usages. 

Conclusion

L’articulation, donc, du gaming et des NFT, si elle pose aujourd’hui des problèmes, fait naître aussi de nombreuses idées. Et celles présentées ci-dessus sont loin d’être les seules ou les plus prometteuses. 

Ce qu’il faut retenir, en somme, c’est que le Web3, c’est à dire ses entrepreneurs, ses adeptes et ses investisseurs, semblent bien décidés à prendre le chemin du jeu pour diffuser ses valeurs et enrôler plus de monde dans son mouvement. 

Il y a fort à parier que, durant la Paris Blockchain Week, qui a lieu du 20 au 24 mars à Paris, et qui donc commence demain matin, l’univers du gaming sera au centre des conversations.