Pourquoi les sociétés de crypto s’intéressent-elles aux Émirats arabes unis ?

Thomas Julia
| 5 min de lecture

Dans une interview donnée à Cointelegraph, le directeur général de Binance Dubaï, Alex Chehade, a déclaré qu’il était fort probable que les Émirats arabes unis deviennent le prochain grand hub de sociétés crypto au monde. Début mai, l’équipe de direction de Coinbase a passé une semaine dans ce pays du Moyen-Orient afin d’évaluer son potentiel pour y développer son activité. Tout montre que les EAU sont en passe de devenir le nouvel eldorado des sociétés opérant dans la crypto. Fiscalité avantageuse, mais aussi une juridiction volontariste avec la volonté d’être la plus claire possible, nombreuses sont les raisons qui expliquent cette tendance de plus en plus prononcée. Explications. 

Un cadre juridique plus clair et attractif 

Le 10 juillet, la VARA (Dubai Virtual Assets Regulatory Authority) a suspendu la licence conditionnelle qu’elle avait accordé à BitOasis, la plateforme d’échange de cryptos. Mauvaise nouvelle à première vue pour les entreprises se concentrant sur les actifs numériques? Au contraire. Car cette initiative du régulateur financier de Dubaï est représentative de la nouvelle approche des Émirats arabes unis en matière de réglementation des actifs numériques. Elle peut se résumer en 2 points : une priorité donnée à une réglementation claire et un souci d’orienter, d’aider les entreprises d’actifs numériques qui souhaitent s’implanter sur le territoire. 

Une politique qui contraste totalement avec celle des USA. Après que des places financières aient autorisé les entreprises de cryptos à opérer, voilà que la plupart d’entre elles, dont Binance et Coinbase, sont poursuivies depuis juin par la SEC. Différentes interprétations des réglementations par différentes institutions, une approche qui privilégie la répression… Bref, un véritable cauchemar pour les entrepreneurs et investisseurs. Preuve de l’échec de cette approche, après 3 ans de bataille juridique entre la SEC et Ripple, la justice américaine a finalement exonéré cette dernière de la majorité des accusations qui pesaient contre elle

Conséquence de cette politique volontariste, CoinDesk a nommé 2 villes des UAE parmi les hubs majeurs de l’industrie crypto en 2023

Une gouvernance unique 

Les Émirats arabes unis ont réussi à mettre en place un régime de réglementation des actifs numériques progressif et réactif grâce une forme de gouvernance unique. Les EAU se composent de sept émirats, et chacun a le pouvoir de légiférer sur les questions qui ne relèvent pas de la compétence du gouvernement fédéral. Et la régulation des actifs numériques en fait partie. 

Cette liberté a permis à chaque émirat de décider de sa propre réglementation concernant les actifs numériques. Ce qui, de facto, favorise la concurrence intra-étatique. Une compétition s’est installée, caractérisée notamment par la mise en place d’allégements fiscaux et la création de zones économiques franches spécifiques. Abou Dhabi et Dubaï, en particulier, ont joué un rôle de locomotive en étant les premiers à attirer des acteurs de l’industrie des actifs numériques sur leurs territoires.

Une politique contraire à celle des USA 

Ces 2 émirats ont chacun élaboré des cadres réglementaires exhaustifs concernant les actifs numériques, évitant ainsi les erreurs commises par d’autres juridictions. En premier lieu, en définissant clairement ce qu’est un actif numérique. Ce qui aurait évité de nombreux procès aux USA… Par exemple, le marché mondial d’Abu Dhabi (ADGM) a fourni des directives précises pour la classification et le traitement des différents actifs numériques, en distinguant les “actifs virtuels” tels qu’Ethereum et Bitcoin, des “titres numériques” et autres jetons ayant des utilisations spécifiques. De même, la VARA a défini les actifs numériques de manière spécifique, en adoptant une taxonomie plus large. Elle définit les “actifs virtuels” comme “toute représentation numérique de valeur pouvant être échangée, transférée ou utilisée numériquement comme moyen d’échange, de paiement ou à des fins d’investissement”. 

Des facilités pour s’implanter mais pas pour faire n’importe quoi 

Lorsqu’une entreprise souhaite exploiter une activité d’actifs numériques, elle doit simplement demander une autorisation d’opération de services financiers et se conformer aux lois en vigueur. De même, les sociétés cherchant à obtenir une licence en tant que “fournisseur de services d’actifs virtuels” doivent suivre un processus similaire.

Il faut cependant rappeler que ces cadres réglementaires permissifs ne sont pas qu’une invitation aux acteurs de l’industrie de fonctionner sans aucun contrôle. La suspension de la licence conditionnelle de BitOasis par la VARA en est un très bon exemple. Encourager le développement de l’industrie, mais dans un cadre clair et stimulant, voilà comment résumer au mieux la politique des EAU en matière d’actifs numériques. Un futur leader mondial? L’avenir (proche) nous le dira. 

Sources: Coindesk, Cointelegraph, Freemanlaw