SEC VS Coinbase : Résumé d’un premier jour d’audience très attendu

Matthieu Dumas
| 5 min de lecture

Coinbase avait rendez-vous sur le plancher de Manhattan hier, pour le début de son audience, dans le but de voir la Securities and Exchange Commission (SEC) retiré sa plainte. À la surprise générale, la juge Katherine Polk Failla a remis en doute l’accusation de la SEC, en invoquant que le régulateur financier : « Balayait trop large ».

Rappel des faits


La SEC estime que les cryptomonnaies offertes par Coinbase devraient être traitées et taxées comme des actions traditionnelles, suivant les mêmes règles. Coinbase argumente que non, ces cryptos ne sont pas de simples actifs financiers, et que par conséquent, elles ne devraient pas être traitées de la sorte.

La plainte de la SEC contre Coinbase prétend que quatre services de l’entreprise en particulier, constituent une violation illégale de la législation sur les valeurs mobilières : sa bourse d’actifs numériques, ses services pour les investisseurs institutionnels, sa facilitation du staking et le Coinbase Wallet.

La base de l’accusation de la SEC porte sur le fameux test Howey, un test utilisée aux États-Unis pour déterminer si un bien est une valeur mobilière : si on investit de l’argent dans une entreprise ou un actif, en espérant un profit grâce au travail des autres, alors c’est probablement une valeur mobilière.

Or, problème, Coinbase et beaucoup d’autres personnes, dont des législateurs américains, pensent que ce test est obsolète. Créer en 1933 ce test serait trop ancien et bien trop simple pour encapsuler la complexité des crypto-monnaies. Et c’est exactement pour cela que Coinbase demande à la SEC de retirer sa plainte, et demande une nouvelle réglementation, qui, cette fois, serait adaptée à ces nouveaux actifs numériques.

La Juge interroge la stratégie de la SEC


Argument que la juge semble avoir reconnu. En effet, dans un procès houleux qui a duré plus de cinq heures, la juge a, à plusieurs reprises, questionné la méthode de la SEC :

« Je crains vraiment que votre argument ne soit trop général […] Comment puis-je savoir que votre test ne va pas impliquer des objets de collection ou des marchandises ? ».

Pour elle, le test Howey ratisse trop large : elle a pris pour exemples les « Beanies Babies », ces peluches américaines très en vogue. « Beanies Babies » est entre autres connu pour sortir des modèles de collection, disponible seulement pendant un certain temps, et qui donc, prennent de la valeur aux yeux des collectionneurs.

Cette famille de Beanie « Wallaces » s’est vendue pour un million de dollars en 2018.

Pour la juge, si on leur applique le test Howey, ces peluches aussi pourraient être considérées comme une valeur mobilière. Cette analogie nous rappelle bien sûr la fameuse histoire de la carte Pokémon, qui avait laissé notre chère Gary sans réponse.

Lors d’un échange particulièrement animé, un avocat de la SEC a tenté de convaincre la juge qu’elle devrait faire abstraction d‘un mémoire déposé dans l’affaire en faveur de Coinbase par la sénatrice Cynthia Lummis, une partisane notoire de la crypto-monnaie. Le juge Failla n’a pas semblé convaincu par l’avertissement et a même laissé entendre que l’avocat de la SEC manquait clairement de politesse quand il parlait de la sénatrice.

Nous n’avons pas le détail des commentaires de l’avocat de la SEC mais nous avons la réponse de la juge :

« D’accord, ce n’est pas qu’une simple sénatrice. Il s’agit d’une personne très engagée dans l’espace, qui a elle-même coparrainé un projet de loi visant à mettre en place une structure [réglementaire] qui, selon elle, n’est pas prévue par le test de Howey. »

Le mémoire de Cynthia Lummis


Cynthia Lummis est une sénatrice américaine représentante dans l’État du Wyoming. Elle est surtout connue pour son intérêt dans les cryptomonnaies ; elle est l’une des principales voix politiques plaidant pour une régulation claire et équilibrée aux États-Unis.

Dans le cadre du procès, la sénatrice a décidé de se ranger avec Coinbase, et a envoyé à la juge un « mémoire » qui comprend, entre autres, des explications sur la crypto et une proposition de loi plus adéquate.

La juge a semblé beaucoup apprécier le mémoire de la sénatrice. Elle a même souligné que le mémoire expliquait très bien la situation actuelle, contrairement à la SEC :

« Les gens de la DeFi ont ce que je pense être un très bon mémoire d’amicus curiae, qui m’explique ce qu’est réellement un wallet, et ce qu’est réellement le staking. Et à certains égards, cela me semble plus logique que la description qu’en fait la Commission dans la plainte. »

La juge aurait plusieurs fois félicité le rapport pour sa clarté. Un avocat de la SEC a tenté d’expliquer en quoi une nouvelle régulation de la crypto pourrait créer un « mauvais contexte pour la réglementation des valeurs mobilières ». La juge a répondu simplement :

« Ils ne disent pas qu’ils veulent annuler ou abroger le test Howey. Ils disent : “Nous avons eu beaucoup de succès. Pendant 90 ans, ces lois sur les valeurs mobilières ont permis de couvrir toutes sortes d’instruments. Et maintenant, nous avons besoin quelque chose de différent. »

Coinbase vainqueur ?


Si l’audience de mercredi a permis d’examiner en détail chacun des services offerts par Coinbase, elle a été spécifiquement programmée pour permettre au juge Failla de se pencher sur la requête de Coinbase visant à rejeter l’affaire dans son intégralité.

La juge n’a pas annoncé sa décision de rejeter en tout ou en partie l’action en justice. Cette décision sera probablement rendue par écrit dans les semaines à venir.

Cependant, le juge Failla a semblé particulièrement convaincu par les arguments selon lesquels les accusations liées à la facilitation par Coinbase du staking, et au Coinbase Wallet, devraient être rejetées.

Cette journée au tribunal montre bien que le monde des cryptos est en train de secouer les vieux cadres réglementaires. Reste à voir comment la juge va trancher, mais une chose est sûre, sa décision fera du bruit.


Sources : Decrypt, X


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