Où en est-on de l’adoption mondiale des cryptos ?

Benoit de Jessey
| 8 min de lecture

L’adoption des cryptomonnaies s’accélère à travers le globe (420 millions d’utilisateurs, 4.2% de la population mondiale), chaque région manifestant des dynamiques propres, influencées par des facteurs économiques, technologiques et socioculturels. Tour d’horizon d’une adoption croissante.

Les leaders de l’adoption

 

Australie : Une adoption en plein essor

L’Australie se distingue par une croissance rapide de l’adoption des cryptomonnaies. Selon des études récentes, le taux d’adoption a plus que doublé depuis 2020, passant de 8% à 18% de la population. Cette augmentation est en partie attribuable à une réglementation favorable et à une sensibilisation accrue aux avantages des actifs numériques. Les entreprises australiennes ont également joué un rôle en acceptant de plus en plus les paiements en cryptomonnaies, ce qui a contribué à démystifier leur utilisation.

États-Unis : Le berceau des géants de la crypto

Les États-Unis demeurent un acteur majeur dans le domaine de la cryptomonnaie, non seulement en termes d’adoption par les consommateurs mais aussi en ce qui concerne l’innovation, malgré les récentes problématiques liées à la SEC ou la CFTC. Le pays abrite certaines des plus grandes plateformes d’échange de cryptomonnaies au monde, comme Coinbase et Kraken. Environ 16% de la population américaine est estimée utiliser des cryptomonnaies, un chiffre qui continue de croître grâce à des campagnes de sensibilisation et à l’adoption par des entreprises de premier plan.

Émirats arabes unis et Singapour : oasis de prospérité crypto

Les Émirats arabes unis et Singapour se distinguent par des indices d’adoption élevés, soutenus par des réglementations favorables et une forte présence de capitaux. Dans les Émirats arabes unis, le gouvernement a mis en place des zones franches dédiées aux entreprises de la blockchain, offrant des incitations fiscales et une réglementation souple. Singapour, de son côté, a adopté une approche réglementaire proactive, ce qui a fait de la cité-État un hub pour les entreprises de cryptomonnaies.

Les marchés émergents

Asie du Sud-Est : laboratoire d’innovation

L’Asie du Sud-Est est devenue un véritable laboratoire d’innovation en matière de cryptomonnaies. Le Vietnam, les Philippines, l’Inde et le Pakistan figurent parmi les dix premiers pays en termes d’adoption selon divers indices.Malgré des environnements réglementaires parfois incertains, ces pays ont vu une adoption rapide, notamment pour des usages tels que les transferts de fonds internationaux et l’accès à des services financiers pour les populations non bancarisées.

Brésil : bouclier contre l’inflation

Au Brésil, près d’un quart de la population utilise des cryptomonnaies. Cette adoption massive est en grande partie une réponse à l’inflation élevée et à la dévaluation de la monnaie nationale. Les Brésiliens voient de plus en plus les cryptomonnaies comme un moyen de préserver leur pouvoir d’achat et de se prémunir contre les incertitudes économiques. 

Turquie : une adoption accélérée en réponse à la crise

La Turquie offre un exemple fascinant de la manière dont une crise économique peut accélérer l’adoption des cryptomonnaies. En l’espace d’un an et demi, le taux d’adoption a grimpé de 40% à 52% de la population. Cette hausse est en grande partie attribuable à l’inflation galopante et à la dévaluation de la lire turque, qui ont poussé les citoyens à chercher des alternatives plus stables pour conserver leur richesse.

 

L’Europe, le grand gagnant post MiCa ?

Comparaison avec les États-Unis : Un écart à combler

L’Europe semble prendre du retard par rapport aux États-Unis en matière d’adoption des cryptomonnaies. Alors que les États-Unis bénéficient d’une infrastructure solide et d’un écosystème entrepreneurial dynamique, l’Europe peine à maintenir le rythme. Les investissements en capital-risque dans les startups de la blockchain sont nettement inférieurs à ceux observés outre-Atlantique, ce qui pourrait expliquer en partie ce décalage.

Malgré un tableau général mitigé, certains pays européens se démarquent. L’Estonie, par exemple, est devenue un hub pour les entreprises de la blockchain grâce à sa politique favorable en matière de licences et de réglementation. La Suisse, avec sa « Crypto Valley », offre également un environnement favorable pour les entreprises et les investisseurs en cryptomonnaies.

Efforts réglementaires notables

Néanmoins, le vieux continent a fait des progrès en matière de réglementation avec des initiatives comme la réglementation MiCa, permettant d’harmoniser la législation autour de la crypto à l’ensemble de l’Union Européenne. Grâce à la mise en place d’un cadre juridique clair (à l’inverse des Etats-Unis), de nombreuses entreprises ont élu domicile au sein de l’UE, et particulièrement la France qui s’est érigée en porte-étendard de la réglementation européenne via l’enregistrement et l’agrément de Prestataire de Services sur Actifs Numériques (PSAN) depuis la Loi Pacte de 2019. 

L’Afrique, un continent crypto-friendly en devenir

Nigeria : L’épicentre africain de la crypto

Le Nigeria se distingue comme l’un des leaders africains en matière d’adoption de cryptomonnaies. Selon divers rapports, environ 32% de la population nigériane a utilisé ou possède des cryptomonnaies. Cette adoption est en grande partie motivée par les besoins en transactions transfrontalières et l’accès à des services financiers pour les populations n’ayant pas accès aux services financiers traditionnels. Le pays a également vu une augmentation du nombre de startups de blockchain, ce qui témoigne d’un écosystème en pleine croissance.

Afrique du Sud : entre réglementation et adoption

L’Afrique du Sud présente un cas intéressant où une réglementation en développement coexiste avec une adoption croissante des cryptomonnaies. Bien que le cadre réglementaire soit encore en cours d’élaboration, environ 13% de la population sud-africaine a déjà investi dans des cryptomonnaies, souvent pour des raisons de diversification d’actifs et d’accès à des marchés internationaux.

D’autres pays africains, comme le Kenya et le Ghana, montrent également des signes d’adoption croissante. Au Kenya, par exemple, les cryptomonnaies sont de plus en plus utilisées pour les transferts de fonds et les paiements de biens et services. Au Ghana, l’adoption est en partie stimulée par l’utilisation de la blockchain dans des domaines comme l’immobilier et la gestion des terres.

Les facteurs d’adoption

Raisons économiques

L’un des moteurs les plus puissants de l’adoption des cryptomonnaies est la recherche de stabilité économique. Dans des pays comme la Turquie, l’Argentine ou encore le Brésil, où l’inflation et l’instabilité financière sont des préoccupations majeures, les cryptomonnaies servent de refuge pour conserver la valeur du patrimoine. Elles offrent également des opportunités d’investissement qui peuvent être moins sensibles aux conditions économiques locales.

Raisons technologiques

L’adoption des cryptomonnaies est également facilitée par des avancées technologiques. Des plateformes d’échange aux wallets sur mobile, l’infrastructure nécessaire pour utiliser des cryptomonnaies est de plus en plus accessible. Notons que les nombreuses initiatives des géants du paiement comme Mastercard, Visa ou encore Paypal ne sont pas étrangères dans l’adoption par le grand public.

De plus, des initiatives éducatives visant à enseigner les bases de la blockchain et des cryptomonnaies contribuent à démystifier ces technologies et à encourager leur adoption. Le ministère de l’éducation du Salvador a par exemple réalisé un partenariat stratégique avec l’association « Mi Primer Bitcoin » afin d’apporter les connaissances fondamentales du Bitcoin lors du programme scolaire de 2024. 

Raisons démographiques

Les facteurs démographiques jouent également un rôle dans l’adoption des cryptomonnaies. Dans des pays où la population est majoritairement jeune, comme c’est le cas de nombreux pays africains, l’adoption tend à être plus rapide. De plus, bien que le domaine soit encore dominé par les hommes, le nombre de femmes investissant dans les cryptomonnaies est en augmentation, notamment dans des pays comme la Turquie.

La réglementation : frein ou accélérateur ?

La réglementation et la fiscalité représentent des défis majeurs pour l’adoption généralisée des cryptomonnaies. Entre les déboires de la SEC ou de la CFTC aux Etats-Unis, l’appel de l’Inde au G20 à une réglementation stricte suite aux recommandations du FMI et du FSB, les enjeux géo-politiques (USA-Chine, guerre en Ukraine…), le paysage de la réglementation sera à surveiller de près dans les mois et années à venir.

Néanmoins, certaines régions du monde se démarquent par un cadre particulier, mêlant réglementation compréhensive et claire avec innovation. C’est le cas pour l’Europe avec MiCa, Singapour, Hong-Kong ou encore aux Emirats arabes unis.

Pour conclure, l’adoption des cryptomonnaies est en marche et en constante progression, chaque région du monde apportant sa propre nuance au tableau global. Alors que certains pays prennent la tête, d’autres suivent à un rythme plus mesuré, chacun influencé par un ensemble unique de facteurs et de défis. Il est quoi qu’il en soit clair que les cryptomonnaies continueront à jouer un rôle de plus en plus important dans les systèmes financiers mondiaux.