Vers la suspension de Worldcoin au Kenya ?

Matthieu Dumas
| 3 min de lecture

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Worldcoin, le projet de cryptomonnaie qui offre des jetons numériques gratuits en échange d’un scan de l’iris, est dans la tourmente au Kenya. Le gouvernement avait ordonné la suspension de ses activités des le mois de mai 2023, invoquant des préoccupations sur la protection des données personnelles. D’après un rapport publié le 30 septembre par le Parlement du Kenya, Worldcoin a continué de collecter des données personnelles des résidents du Kenya “en ignorant complètement” l’ordonnance d’arrêt émise en mai.

Le projet Worldcoin


Worldcoin est une initiative lancée par Tools for Humanity, une entreprise cofondée par Sam Altman, le PDG d’OpenAI, une organisation dédiée à la recherche sur l’intelligence artificielle. Worldcoin se présente comme un réseau d’identité et financier mondial, qui vise à donner un accès universel à l’économie globale, quel que soit le pays ou le milieu d’origine.

Pour cela, Worldcoin propose de distribuer gratuitement des tokens de sa cryptomonnaie à toute personne qui accepte de se faire scanner l’iris. Ce scan permet de créer une identité numérique unique et vérifiable, qui évite les fraudes et les doubles comptes. Worldcoin affirme également que ce système pourrait ouvrir la voie à un revenu de base universel financé par l’IA, mais sans expliquer comment.

D’après un rapport publié le 30 septembre par le Parlement du Kenya, Worldcoin a continué de collecter des données personnelles des résidents du Kenya “en ignorant complètement” une ordonnance d’arrêt émise en mai, qui pourrait inclure des informations provenant de mineurs. Le comité a suggéré que les autorités kényanes “désactivent les plateformes virtuelles” de Worldcoin et enquêtent sur ses entreprises pour d’éventuelles accusations criminelles.

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Pourquoi Worldcoin fait polémique au Kenya ?


Worldcoin a commencé à déployer son projet dans plusieurs pays du monde, dont le Kenya, où il a attiré des milliers de personnes qui faisaient la queue dans des centres d’enregistrement pour obtenir la monnaie virtuelle, d’une valeur d’environ 50 dollars au moment du lancement. Mais le gouvernement kényan a rapidement suspendu le projet, estimant qu’il présentait des risques pour la vie privée et la sécurité des citoyens.

En effet, le scan de l’iris implique la collecte d’une donnée biométrique sensible, qui pourrait tomber entre de mauvaises mains ou être utilisée à des fins malveillantes. De plus, le fait d’offrir de l’argent en échange d’une donnée personnelle pourrait constituer une forme d’incitation ou de manipulation. Le ministère de l’intérieur a ouvert une enquête sur Worldcoin et appelé les services de sécurité et les agences de protection des données à vérifier son authenticité et sa légalité.

Worldcoin se défend en affirmant qu’il respecte les réglementations kényanes et qu’il ne stocke aucune donnée. Il dit aussi vouloir collaborer avec le gouvernement et mettre en place des mesures de contrôle des foules avant de reprendre son travail. Mais cela ne suffit pas à rassurer les autorités et les experts en matière de données, qui appellent à plus de vigilance et de transparence sur le projet.

Une commission parlementaire a ainsi recommandé à l’autorité des communications de désactiver les plateformes virtuelles de Worldcoin et de les mettre sur liste noire, jusqu’à ce qu’un cadre juridique plus strict soit mis en place pour réguler les actifs et les prestataires de services virtuels. La commission a également demandé à la police d’enquêter sur Tools for Humanity et de prendre les mesures légales nécessaires.

Quel avenir pour Worldcoin ?


Le sort de Worldcoin au Kenya est donc incertain. L’Assemblée nationale pourrait interdire définitivement ou autoriser le projet sous certaines conditions, en attendant l’examen et l’adoption du rapport de la commission parlementaire à une date ultérieure. Il faudra aussi voir comment Worldcoin réagira aux demandes et aux critiques du gouvernement. En attendant, le projet continue d’avoir une présence virtuelle au Kenya et peut être accessible via internet, malgré la suspension du mois d’août. Mais les utilisateurs potentiels doivent être prudents et conscients des enjeux liés à la protection de leurs données personnelles.

Les autorités allemandes, argentines, françaises et britanniques ont aussi fait part de leurs inquiétudes concernant Worldcoin ou ont ouvert des enquêtes sur ses activités.

Source : Coin Telegraph, BBC, Parliament of Kenya