L’adoption des cryptomonnaies en France

Matthieu Dumas
| 10 min de lecture

Pour la seconde année consécutive, l’Association pour le développement des actifs numériques (Adan) en partenariat avec KPMG France, présente une étude inédite révélant un panorama complet de l’état actuel du web3 et des crypto en France et en Europe. Cette étude met en lumière le profil et le taux d’adoption parmi les populations adultes ainsi que la portée des cas d’utilisation découlant du Web3 dans toutes les industries. Le secteur des crypto-actifs étant en développement rapide, la position de leadership de la France et de l’Europe dans le domaine des crypto-actifs sera un atout majeur pour favoriser notre compétitivité et souveraineté.

L’étude se base sur deux aspects complémentaires : l’adoption des crypto par les particuliers et l’utilisation des crypto par les entreprises. Voici les principaux résultats de l’étude :

L’adoption des cryptomonnaies par les particuliers

L’adoption des crypto par les particuliers progresse en France et en Europe. Selon un sondage mené par l’institut IPSOS, 85% des Français déclarent avoir déjà entendu parler des cryptomonnaies, soit une progression de 9 points par rapport à 2021. La connaissance des crypto est également élevée dans les autres pays européens sondés : Italie (88%), Royaume-Uni (87%), Allemagne (87%) et Pays-Bas (81%).

Le niveau de possession des crypto augmente également de manière significative. Début 2023, près d’un Français sur dix possédait des crypto-actifs, soit une augmentation de 18% par rapport à 2021. De plus, 4% des Français détiennent un NFT, soit une progression de 100% depuis l’an dernier. L’intérêt pour les crypto est également très encourageant : 26% des répondants seraient intéressés par une acquisition de cryptomonnaies à l’avenir.

L’adoption des crypto touche principalement un public jeune et majoritairement masculin. L’adoption s’accélère en particulier au sein des jeunes générations : plus de 17% des Français ayant entre 18 et 35 ans possèdent des crypto-actifs, contre 12% en 2021. Les hommes sont également plus nombreux à détenir des crypto que les femmes (12% contre 7%).

Les chiffres montrent également une certaine prudence dans l’investissement. La majorité des investisseurs n’investissent pas plus de 10% de leur épargne globale dans les crypto. Par ailleurs, sans surprise, le bitcoin confirme sa position de leader des cryptomonnaies préférées des utilisateurs (64%), suivi par l’Ethereum (32%) et le Tether (18%).

Toutefois, l’étude met en évidence une adoption plus importante des crypto en Europe par rapport à la France. En Europe, les Pays-Bas affichent le plus fort taux de détenteurs actuels avec 14%, contre 12% au Royaume-Uni, 11% en Allemagne et en Italie.

L’utilisation des crypto par les entreprises

L’utilisation des crypto par les entreprises se développe dans différents secteurs d’activité. L’étude présente plusieurs cas d’usage illustrant l’intérêt et le potentiel du web3 et des crypto pour les acteurs économiques français et européens.

Sans surprise, le secteur financier est l’un des plus avancés dans l’intégration des crypto. Les établissements financiers y voient une opportunité de se positionner sur un marché en cours de structuration, en proposant de nouveaux produits et services (conservation, investissement, etc.) ou en utilisant ces technologies pour digitaliser des produits financiers traditionnels (tokenisation).

Par exemple, la Banque Delubac & Cie a été la première banque française enregistrée comme PSAN (prestataire de services sur actifs numériques) auprès de l’AMF (Autorité des marchés financiers). Elle propose à ses clients des solutions de conservation, d’achat et de vente de crypto-actifs.

Binance, le leader mondial de l’écosystème blockchain, a également obtenu son enregistrement comme PSAN auprès de l’AMF. Il offre à ses utilisateurs une suite de produits financiers incluant le plus grand exchange d’actifs numériques. Bpifrance, la banque publique d’investissement, a également manifesté son intérêt pour les crypto en lançant un fonds dédié aux entreprises du secteur.

Le secteur de l’énergie est également concerné par les opportunités offertes par les crypto. Alors que la France, comme une grande partie de l’Europe, a été confrontée en 2022 à la crise énergétique, les acteurs du secteur ont des opportunités qui se présentent avec des cas d’usage liés au développement des infrastructures blockchain (réseaux, datacenters, HPC, etc.).

Par exemple, la Caisse des Dépôts, un groupe public investisseur de long terme, a participé au financement du projet Helios, qui vise à créer le premier datacenter vert européen dédié au minage de cryptomonnaies. Sesterce, une entreprise française spécialisée dans le minage de cryptomonnaies, construit et gère des datacenters HPC 100% green (énergie verte, fluide de refroidissement et réutilisation de la chaleur émise), pour l’industrie de l’IA sur GPU et celle de la sécurisation blockchain.

Le secteur culturel et du divertissement est l’un des premiers à avoir été impacté par l’émergence des NFT, qui permettent de représenter et d’échanger des actifs numériques uniques et indivisibles, comme des œuvres d’art, des jeux ou des objets virtuels. Les NFT offrent aux artistes et aux créateurs une nouvelle source de revenus et de reconnaissance, ainsi qu’une meilleure protection de leurs droits. Ils offrent également aux collectionneurs et aux amateurs une nouvelle expérience d’achat et de possession d’œuvres numériques. On peut par exemple citer les NFT du rappeur Booba.

Le secteur du luxe et des marques est également concerné par les opportunités offertes par les crypto. Les actifs numériques mettent à disposition du secteur du luxe et des marques de nombreux outils pour repenser l’engagement et la relation client. Le concept de rareté numérique, introduit par les NFT, trouve un écho particulier dans l’univers du luxe et ouvre la voie à une multitude de cas d’usage.

DPLK, un groupe dédié à la conception, à la gestion et à la distribution de solutions financières auprès des professionnels du patrimoine, a lancé une collection exclusive de NFT en partenariat avec l’artiste français Richard Orlinski. Ces NFT représentent des sculptures digitales inspirées des animaux sauvages emblématiques de l’artiste.

Dictador Rum NFT: Par Richard Orlinski

L’étude réalisée par l’Adan et KPMG France montre que l’adoption des crypto en France et en Europe est en forte progression, tant au niveau des particuliers que des entreprises. Les crypto représentent un potentiel d’innovation et d’intérêt économique pour les acteurs français et européens, qui doivent saisir les opportunités offertes par le web3 et les crypto.

L’étude souligne également les défis et les enjeux liés au développement du secteur des crypto-actifs, qui nécessite un cadre réglementaire adapté, une coopération entre les acteurs publics et privés, ainsi qu’une sensibilisation et une éducation des utilisateurs.

Quelle est la situation légale des cryptomonnaies en France en 2023 ?

La France a été l’un des premiers pays à adopter une législation spécifique sur les actifs numériques en 2019, avec la loi Pacte, qui définit un cadre juridique et fiscal pour les émetteurs et les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN). Les crypto monnaies sont encadrées par la loi depuis le 1er janvier 2019 (Loi n°2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019)

La loi Pacte reconnaît les cryptomonnaies comme des actifs numériques, qui peuvent être utilisés comme moyen de paiement ou comme instrument financier. Elle impose aux PSAN de respecter des règles de transparence, de sécurité et de lutte contre le blanchiment d’argent. Elle leur offre également la possibilité d’obtenir un agrément auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui leur confère une légitimité et une protection juridique. La loi Pacte prévoit également un régime fiscal favorable pour les particuliers qui détiennent ou cèdent des cryptomonnaies, avec une imposition forfaitaire de 30% sur les plus-values réalisées.

La France a également été pionnière dans l’expérimentation d’une monnaie numérique de banque centrale (MNBC), avec la Banque de France (BdF), qui a réalisé plusieurs tests réussis avec des acteurs privés depuis 2020. La MNBC est une monnaie numérique émise par la banque centrale, qui vise à compléter les formes existantes de monnaie (billets, pièces, dépôts bancaires). La MNBC présente des avantages potentiels, tels que l’amélioration de l’efficacité et de la sécurité des transactions, la réduction des coûts et des délais de règlement, ou encore la facilitation de l’inclusion financière. La BdF envisage de lancer officiellement sa MNBC aux alentours de 2024, après avoir évalué les aspects techniques, juridiques et économiques du projet.

La France soutient également les initiatives européennes visant à harmoniser la régulation des cryptomonnaies au niveau continental, comme le projet de règlement sur les marchés de crypto-actifs (MiCA), qui vise à créer un marché unique des cryptomonnaies dans l’Union européenne.

Le MiCA propose un cadre juridique commun pour les émetteurs et les PSAN de cryptomonnaies, qui devront respecter des normes communes en matière d’autorisation, de supervision, de transparence, de protection des consommateurs et de stabilité financière. Le MiCA prévoit également la création d’une MNBC européenne, appelée euro numérique, qui serait émise par la Banque centrale européenne (BCE) et accessible à tous les citoyens et entreprises de la zone euro.

La législation sur les cryptomonnaies en France en 2023 est donc plutôt favorable et pragmatique. Elle reconnaît le potentiel d’innovation et d’intérêt économique des cryptomonnaies, tout en cherchant à encadrer leur développement et à prévenir les risques associés. Elle s’inscrit également dans une dynamique européenne visant à créer un espace harmonisé et compétitif pour les acteurs du secteur.

L’adoption croissante des cryptomonnaies en France témoigne de l’intérêt croissant des particuliers et des entreprises pour ces actifs numériques. Cette tendance reflète le potentiel d’innovation et d’intérêt économique que représentent les cryptomonnaies. La législation française, prévoyante et favorable, offre un cadre solide pour le développement de ce secteur en constante évolution, consolidant ainsi la position de la France en tant qu’acteur majeur de l’écosystème crypto. L’avenir prometteur des cryptomonnaies en France et en Europe invite à saisir les opportunités offertes par le web3 et à relever les défis liés à leur régulation, dans une démarche de coopération entre acteurs publics et privés, tout en sensibilisant et éduquant les utilisateurs sur cette nouvelle ère financière.

Source : Etude KPMG, Légifrance