La communauté crypto a-t-elle raison de s’en prendre à Gary Gensler ?

Antoine Palloteau
| 4 min de lecture

Gary Gensler, l’actuel président de la Securities and Exchange Commission (SEC) est très souvent décrié pour ses prises de position anti-crypto. Si le personnage est souvent assez dur en ce qui concerne les actifs numériques alternatifs, son impopularité pourrait être expliquée d’une autre manière qu’une simple haine envers les crypto-monnaies.

En effet, si Gensler est si impopulaire aux US au sein de la communauté crypto, il semblerait qu’il ne soit pas le seul responsable des épreuves que traversent les entreprises cryptos américaines. Gensler est un haut-fonctionnaire qui semble au fond vouloir faire appliquer la loi aux sociétés et aux projets cryptos.Si la tête de la SEC n’est pas le problème fondamental, la loi américaine le serait-elle ? 

Gary Gensler, un président de la SEC en croisade contre les cryptos ? 

Pour le petit rappel, la SEC (Securities and Exchange Commission) est une agence gouvernementale aux États-Unis chargée de réglementer et de surveiller les marchés financiers. Elle protège les investisseurs, veille à l’équité des marchés et encourage la transparence dans les opérations financières. C’est cette même agence qui prend sous son aile législative l’écosystème crypto/blockchain.

Gary Gensler est lui, un économiste et homme politique américain. Il a été président de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) de 2009 à 2014 et désormais à la tête de la Securities and Exchange Commission (SEC) depuis avril 2021. À la SEC, Gensler s’est engagé à renforcer la protection des investisseurs, à promouvoir la transparence des marchés et à réglementer les nouvelles technologies financières, dont les crypto-monnaies et les actifs numériques en général. 

Depuis quelque temps, un nombre croissant d’observateurs reprochent à Gensler une croisade contre les crypto-monnaies. Gensler et la SEC semblent en effet déterminés à faire entrer les cryptos dans la classification “security” que l’on traduit en français par “valeur mobilière”. Une des raisons pour lesquelles Gensler veut faire rentrer les cryptos dans cette catégorie correspond à la manière dont les projets sont lancés. En effet, les émissions de tokens impliquent la formation de capitaux. Cela fait des cryptos, pour la loi américaine, des “valeurs mobilières”

L’inconvénient : cette classe d’actif implique une réglementation plus stricte et plus contraignante pour les sociétés crypto tout en protégeant davantage les investisseurs. D’où les conflits actuels avec des sociétés comme Coinbase ou Binance.US qui sont accusés par la SEC de mettre en vente des actifs non-enregistrés.

Gensler ne va pas contre la loi. On pourrait même dire qu’il n’a pas tort dans ses positions au regard de la loi actuelle.   

La loi américaine en défaveur des crypto-monnaies

L’approche américaine du droit des valeurs mobilières repose sur le test Howey qui demande si les acheteurs ont une “attente de profit à tirer des efforts d’autrui“. Les attentes des acheteurs peuvent être influencées par l’émetteur, mais ne dépendent pas entièrement de lui. Pourtant, selon la SEC, les formations de capitaux associées aux projets crypto indiquent que ceux-ci engendrent des attentes de la part de l’acheteur. Déduction : les actifs numériques sont tous des valeurs mobilières. 

Outre Atlantique, l’Union Européenne et son cadre réglementaire sur les actifs numériques Markets in Crypto-Assets (MiCA), semble aborder le problème de manière plus pertinente. Par exemple, la réglementation reconnaît que les utility tokens ne sont pas tous des instruments financiers. 

L’UE définit les valeurs mobilières en se fondant uniquement sur des facteurs contrôlés par l’émetteur, et non sur l’acheteur.  On s’intéresse à la structure de l’instrument lui-même et la manière dont il est commercialisé. 

Si Gary Gensler n’est sûrement pas le plus grand défenseur des crypto-monnaies, le licencier n’aura certainement pas d’impact durable étant donné la loi américaine et son test Howey qui peine à définir les actifs numériques

On notera finalement que cela n’est pas sans conséquence. La part des investissements de capital-risque dans les projets crypto européens a été multipliée par près de 10 en un an. On passe d’une part mondiale à hauteur de 5,9 % au premier trimestre 2022 à 47,6 % au deuxième trimestre 2023.

L’Europe prend de plus en plus de place dans l’univers crypto tandis que les États-Unis perdent leur leadership. Si le président de la SEC n’est pas le personnage le plus enthousiaste concernant les actifs numériques, les US pourraient également bien avoir affaire à un problème législatif de fond

Source : Cointelegraph