Martin Lukas Ostachowski : faire de l’art avec la blockchain

David Nathan
| 6 min de lecture

Le crypto-artiste Martin Lukas Ostachowski – Photo: Cryptonews / David Nathan

Martin Lukas Ostachowski est un artiste allemand né en Pologne qui vit et travaille actuellement dans la ville québécoise de Sherbrooke. Si Cryptonews s’intéresse à lui, c’est d’une part car ses oeuvres sont incroyablement belles, mais aussi car cet artiste pas comme les autres utilise les concepts de la blockchain et des cryptomonnaies pour les créer.

Cryptonews: Vous vous définissez comme “un artiste d’abstraction géométrique”. Pouvez-vous nous expliquer ce que ça signifie pour vous?
Martin Lukas Ostachowski: Dans mon travail, je m’efforce d’obtenir des formes géométriques claires et dominantes. L’abstraction géométrique, c’est ma préférence pour une peinture abstraite plutôt que pour les détails réalistes. J’ai également un intérêt pour la combinaison de modèles mathématiques et de l’utilisation de la technologie, et ça se traduit dans la façon dont je crée mes peintures.

Tokenized Cloud Sphere Twelve ORD to MLI – Martin Lukas Ostachowski

Quand avez-vous rencontré la blockchain et/ou les cryptomonnaies?
J’ai rencontré le Bitcoin pour la première fois grâce à un ami à l’université, vers 2012, mais je n’y ai vraiment pas prêté l’attention que j’aurai dû à l’époque. C’est il y a à peine un an, quand j’ai commencé à lire sur le sujet, que j’ai découvert la technologie derrière cette devise. Après avoir lu les premiers articles et livres, je suis devenu accro. Avec son potentiel énorme, j’ai non seulement trouvé un domaine d’intérêt, mais aussi mon sujet d’artiste que j’ai commencé à explorer de manière conceptuelle et visuelle.

Comment avez-vous fait le lien entre ce monde numérique et celui de l’art visuel?
On dit qu’on ne commence à comprendre quelque chose que lorsqu’on peut l’expliquer aux autres. Pour moi, il s’agit d’une approche visuelle consistant à décomposer les processus techniques et l’architecture en de simples croquis. Elle a rapidement évolué vers un concept d’exposition sur lequel je travaille et qui consiste à rendre la complexité de la blockchain accessible via un large éventail d’oeuvres d’art tant physiques que numériques.

Diptych Glimpse in the Tropopause – Martin Lukas Ostachowski

Qu’est-ce qui vous inspire dans la technologie blockchain?
Outre l’impact socio-économique de la blockchain, de nombreux aspects m’attirent. L’un des nombreux rôles que joue l’art est la documentation du Zeitgeist (Ndlr: « l’esprit du temps, de l’époque »). La Blockchain remet en question autant d’éléments et de structures centralisées de notre vie quotidienne que j’ai pris pour acquis auparavant. Cela ne remet pas en question nos normes, mais ça donne une plateforme pour des alternatives. En plus, le rythme incroyable auquel le monde de la crypto progresse et l’enthousiasme de la communauté très soudée me semblent être sans précédent.

Pour vous la blockchain c’est quoi? Un matériau brut comme la peinture l’est pour des peintres traditionnels?
Pour moi, la blockchain est avant tout un mouvement global et un sujet que je souhaite explorer et documenter de manière conceptuelle. C’est pour moi un changement inévitable avec un résultat incertain. Outre les nombreuses opportunités offertes par la blockchain, je pense qu’en tant qu’artistes, nous devons examiner les revers de cette technologie avec autant de soin. La tendance qui fait que la technologie remplace le travail de l’Homme est accélérée par la blockchain et je m’intéresse à la façon dont nous, en tant que société, pouvons nous adapter à ce rythme effréné.

Plusieurs de vos oeuvres utilisent la Seed Phrase (phrase mnémonique de 12 mots). C’est quoi qui vous intéresse particulièrement dans la représentation de cette Seed Phrase?
Nous vivons à une époque où nous sommes habitués à tout défaire et à tout récupérer. Cette facilité nous a rendus imprudents dans l’attribution et la sécurité des mots de passe. Avec les portefeuilles numériques, nous devons redéfinir cette relation et sommes obligés de prendre des précautions sans précédent. La perte de la Seed Phrase est irréversible et entraîne la perte permanente des avoirs du portefeuille numérique. C’est un concept que j’ai dû apprendre à apprécier au début et ce caractère “ultime” me fascine.

2018-11-23 Preview Metronomes of Decentralization – Martin Lukas

Vos oeuvres permettent de visualiser de plusieurs façons cette Seed Phrase. Quelle forme de visualisation est pour vous la plus intéressante et pourquoi?
C’est définitivement ma visualisation d’un nuage. J’explore le “cloud” au-delà de son symbolisme de stockage de données et de connectivité. Dans cette visualisation particulière, les mots du Seed sont convertis en hachages, comme le ferait un portefeuille numérique. Un algorithme interprète ces hachages en milliers d’ellipses qui forment finalement un nuage. Ce nuage aborde pour moi des questions d’intangibilité et de stockage de valeur. Parce que, si vous y réfléchissez, que stockons-nous réellement dans le porte-monnaie numérique autres que des références et de l’espoir?

2 Seed Phrase Words Visualization – Martin Lukas Ostachowski

Quels sont vos prochains projets, domaines d’exploration artistique pour les prochains mois?
Je développe actuellement un concept d’exposition basé sur le thème de la blockchain pour, je l’espère, l’an prochain. On y trouvera une large gamme de supports numériques et physiques, ça permettra de s’initier à cette technologie et invitera à la réflexion critique. Je souhaite contribuer au mouvement de création d’art crypto et tokenisé dans le monde de l’art traditionnel. C’est pourquoi j’essaie de me concentrer sur les points de vente d’art traditionnels tels que les centres d’artistes, les galeries d’art et les magazines.

Plus d’informations: Ostachowski.com

Martin n’est pas le seul artiste “crypto”. En France par exemple, le peintre muraliste Pboy exerce son art et fait des ponts entre la peinture traditionnelle et les nouvelles technologies.