Les cryptomonnaies en Afrique : une révolution financière en marche

Thomas Renault
| 4 min de lecture
Les cryptomonnaies en Afrique : une révolution financière en marche

L’Afrique est en train de connaître une véritable révolution financière grâce à l’adoption croissante des cryptomonnaies. Le Nigeria et l’Afrique du Sud mènent la danse, témoignant d’une confiance et d’une connaissance accrues dans ce domaine. 

Bien que les chiffres soient encore modestes à l’échelle globale — avec 100 milliards de dollars échangés en Afrique subsaharienne entre juillet 2021 et juin 2022, représentant seulement 2 % de l’activité mondiale selon Chainalysis — l’essor n’en est pas moins notable. Cette croissance de 16 % signale une transformation en cours qui pourrait redéfinir le paysage financier du continent.

Répartition par continent de la valeur totale des transactions en cryptomonnaie entre mars 2019 et juin 2022, selon les données de Chainalysis.

La régulation des cryptomonnaies en Afrique : un terrain complexe

Trois pays africains, le Nigeria, le Maroc et le Kenya, figurent parmi les 20 premiers utilisateurs de cryptomonnaies selon l’indice Global Crypto Adoption Index de 2022. Cependant, cette adoption s’opère dans un climat réglementaire incertain et parfois hostile.

Le besoin de régulation

Lors d’un forum à Nairobi, des experts ont souligné l’importance de réglementations claires. Aliu Musa, responsable Afrique pour Celo (plateforme de blockchain axée sur l’inclusion financière), a insisté sur le besoin de lois pour aborder les défis qui freinent l’expansion des cryptomonnaies. Les acteurs du secteur appellent à un cadre légal pour plus de transparence et de sécurité, surtout à la lumière de scandales comme la faillite de la plate-forme FTX.

Entre besoin de protection et autonomie

Le secteur est en tension entre le besoin de réglementation et la volonté de préserver un système décentralisé. Shodipo Ayomide de Polygon note que la régulation est nécessaire, mais doit être équilibrée pour ne pas étouffer l’innovation.

Approches nationales variées

Le paysage réglementaire est divergent en Afrique subsaharienne. Par exemple, la République centrafricaine a adopté le Bitcoin comme monnaie officielle, tandis que l’Éthiopie et la Tanzanie l’ont interdit. Le Nigeria quant à lui a limité les transactions en cryptomonnaies via les banques.

Cette diversité réglementaire crée à la fois des défis et des opportunités, soulignant la nécessité d’un cadre solide pour protéger les consommateurs et stimuler l’innovation.

L’Adoption des Cryptomonnaies en Afrique

La perception des cryptomonnaies en Afrique diffère nettement de celle d’autres régions du monde. Selon l’étude de Chainalysis, le Nigeria et l’Afrique du Sud se distinguent comme les nations africaines les plus informées et confiantes dans le domaine des monnaies numériques.

Part des échanges P2P dans le volume total des transactions en cryptomonnaie par continent, entre juillet 2019 et juin 2022. Source : Chainalysis

Le Nigeria : un leader malgré les obstacles réglementaires

Au Nigeria, l’enthousiasme pour les cryptomonnaies est palpable. Selon une enquête menée en avril 2023, 99 % des Nigérians sont au courant de l’existence des cryptomonnaies, et 70 % comprennent le concept fondamental de la blockchain.

Source : Consensys

Il est important de noter que cette adoption est survenue malgré l’avertissement de la Banque centrale du Nigeria en février 2021, déclarant que les transactions en cryptomonnaies étaient en violation des lois en vigueur dans le pays.

Cependant, cela n’a pas découragé les Nigérians : 90 % des personnes interrogées ont indiqué leur intention d’investir dans les cryptomonnaies dans les 12 prochains mois. De plus, 65 % les voient comme une protection contre l’hyperinflation et le déclin financier, un point de vue rarement partagé dans des pays comme le Japon ou en Europe.

Un avenir prometteur pour les cryptomonnaies en Afrique du Sud

L’Afrique du Sud n’est pas en reste. L’étude souligne que 98 % de la population est bien informée sur les cryptomonnaies, et le sentiment général est extrêmement positif. Les Sud-Africains voient ces nouvelles formes de monnaie comme l’avenir de la finance et de la propriété numérique.

Croissance trimestrielle des visites sur les sites de cryptomonnaie par pays, du premier trimestre 2019 au deuxième trimestre 2022 en Afrique.
Croissance trimestrielle des visites sur les sites de cryptomonnaie par pays en Afrique, du premier trimestre 2019 au deuxième trimestre 2022. Source : Chainalysis

Vers l’émission de monnaies numériques par les banques centrales africaines

Il est également intéressant de noter que les banques centrales africaines s’intéressent de plus en plus à la possibilité d’émettre leurs propres monnaies numériques. Selon un rapport du centre d’études américain Atlantic Council, des pays comme Maurice, le Maroc et l’Algérie étudient cette option. Le Nigeria a même déjà franchi le pas avec le lancement de son eNaira en 2021.

L’adoption croissante des cryptomonnaies en Afrique pourrait bien signaler le début d’une révolution financière, offrant des opportunités sans précédent pour l’inclusion financière, l’innovation et la croissance économique sur le continent. Le défi reste néanmoins de naviguer habilement dans un environnement réglementaire en constante évolution.

Sources : Chainalysis, Sputniknews.africa, Consensys