Qu’est ce que cypherpunk, ce mouvement qui a contribué à la création du Bitcoin ?

Siméon Allegaert
| 4 min de lecture

Alors que le Bitcoin ainsi que l’ensemble du secteur crypto profitent depuis plusieurs années d’une croissance exceptionnelle, il apparait comme légitime de s’intéresser au mouvement qui a favorisé leur apparition. Ce dernier est désigné sous le nom de Cypherpunk, et nous allons étudier un peu plus en détail ses implications pour l’industrie blockchain au cours de cet article.

Quelles sont les origines du mouvement Cypherpunk ?


Dans un premier temps, il convient de souligner que le mouvement Cypherpunk base ses principes sur un recours intensif à la cryptographie, de façon à ce que le grand public puisse protéger de manière efficace ses droits à la vie privée. En outre, le terme Cypherpunk est une combinaison de “cypher”, qui signifie cryptage, et de “punk”, qui se réfère à une sous-culture contestataire et à un esprit de débrouillardise.

Le mouvement Cypherpunk est né dans le courant des années 80, à une époque où le domaine cryptographique était jusqu’à présent réservé aux forces militaires et aux agences de renseignement. Il est grandement influencé par des auteurs de science-fiction comme William Gibson. Ce dernier a publié Neuromancien en 1984, un roman qui décrit le quotidien d’une bande de malfrats dans un monde dominé par les corporations et où la technologie de pointe rythme la vie des populations.

Couverture du roman Neuromancien

On y retrouve des thèmes comme celui de l’intelligence artificielle, des implants cybernétiques et d’un réseau informatique global, le tout alors qu’Internet en était encore à ses balbutiements. En conséquence, ce roman est considéré par un grand nombre d’observateurs comme étant visionnaire. À noter qu’il a inspiré des titres phares du cinéma comme la saga Matrix et le film d’animation Ghost in the Shell.

Il est également possible de citer le cas de Neal Stephenson et de son roman de science-fiction Snow Crash publié en 1992, où on retrouve un espace virtuel dans lequel les utilisateurs ont la sensation d’être immergés et peuvent interagir entre eux grâce à leurs avatars.

Peu à peu, le mouvement Cypherpunk a commencé à se démocratiser auprès d’un public d’initiés via des cercles de messagerie privés. Après plusieurs années passées dans l’ombre, le mouvement Cypherpunk se dévoile aux yeux du grand public dans le cadre d’un article publié par le magazine Wired en mai 1993. Sur la couverture de cette édition du magazine Wired, on retrouve trois hommes masqués : Tim May, Eric Hughes et John Gilmore. Ces derniers étant des cypherpunks de premier plan et ont joué un rôle particulièrement important dans l’avancée du mouvement.

Couverture du magazine Wired de mai 1993 : première apparition du mouvement Cypherpunk dans les médias

Dans cette publication, ils soulignent collectivement l’importance des outils de cryptage et des nouvelles technologies afin de protéger la vie privée des citoyens, mais plus largement le cadre démocratique dans son ensemble. De plus, ils considèrent que la capacité à communiquer de manière secrète et anonyme est indispensable pour préserver son indépendance et sa liberté politique.

Les cypherpunks préconisent l’utilisation de méthodes de cryptage, telles que la cryptographie à clé publique et les réseaux privés virtuels (VPN), afin d’empêcher l’interception et l’espionnage des conversations et des activités en ligne.

Comment le mouvement Cypherpunk a contribué à la naissance du Bitcoin ?


Le mouvement Cypherpunk a joué un rôle significatif dans le développement d’Internet et des technologies qui ont dérivées de ce phénomène. Il est notamment question des projets focalisés sur la protection des données privées, mais également le navigateur Tor ainsi que l’ensemble de l’industrie Blockchain.

Dans la continuité des éléments évoqués précédemment, de nombreux cypherpunks se sont alors penchés sur le cas des premières monnaies numériques. On retrouve notamment les projets eCash et DigiCash qui ont tous les deux été développés par David Chaum, un informaticien américain de haut niveau.

David Chaum — Source : Decrypt

Avec ces deux concepts, l’ambition principale de David Chaum consistait à offrir la possibilité aux détenteurs de monnaies numériques de pouvoir retirer des billets électroniques auprès de leur banque et d’être en mesure de les échanger contre des biens ou des services, le tout sans que leurs différents mouvements financiers ne puissent être surveillés par les agences bancaires ou les services de renseignement du pays.

Cependant, toutes ces tentatives se sont très rapidement soldées par des échecs, sans doute en raison d’un manque de compréhension de la part du grand public ainsi que d’un intérêt limité de la part des utilisateurs. Il faudra attendre 1998 pour assister à la création de B-Money, la première monnaie électronique qui possède un caractère véritablement décentralisé.

Cette initiative a été lancée par Nick Szabo et son acolyte Wei Dai, deux cypherpunks de la première heure dont le travail sera cité par Satoshi Nakamoto dans le white paper originel du Bitcoin.

Source : Pexels

Ces différents progrès techniques aboutissent à l’invention du Bitcoin vers 2008 par une entité inconnue désignée sous le nom de Satoshi Nakamoto. Il s’agit d’un élément révolutionnaire qui se situe dans la lignée directe des propositions du mouvement Cypherpunk en raison de sa nature résistante à la censure gouvernementale.

De nombreuses idées issues du mouvement Cypherpunk sont incluses dans la structure du Bitcoin, notamment l’utilisation d’une cryptographie avancée permettant de protéger la vie privée des utilisateurs tout en garantissant des transactions sécurisées.

De plus, il apparait comme nécessaire de souligner que le Bitcoin pouvait être utilisé dans les premières années de son existence de manière anonyme beaucoup plus facilement qu’aujourd’hui en raison de l’absence de procédures KYC (Know Your Customer) sur la plupart des plateformes. Ainsi, le Bitcoin peut légitimement être considéré comme l’ultime héritier des principes fondateurs du mouvement Cypherpunk.


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