Les pistes de la Banque de France pour réglementer la finance décentralisée

Yann-Olivier Bricombert
| 3 min de lecture

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L’étau semble se resserrer sur la finance décentralisée (DeFi). En l’espace de quelques semaines, deux éminentes autorités financière et bancaire française et européenne ont émis des pistes de réflexion pour encadrer son développement. Voici ce qu’il faut en retenir.

La DeFi, l’angle mort de la régulation sur les crypto-actifs


Dans leur volonté de réglementer les activités et les flux financiers liés aux cryptomonnaies, les régulateurs avaient jusqu’ici plutôt épargné la finance décentralisée (DeFi), pour se concentrer sur d’autres sujets : les prestataires de services, la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, la fiscalité…

Mais, depuis plusieurs mois, les consultations se succèdent à bon rythme. Dernière en date : celle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), organisme public adossé à la Banque de France, organisée en avril et mai dernier, et dont les conclusions ont été rendues récemment dans un document de synthèse.

Près de 40 acteurs du secteur ont participé à l’enquête : institutions financières, cabinets de conseil et d’audit, et bien sûr des représentants de l’écosystème DeFi. L’ACPR salue “la grande qualité des réponses reçues, qui constituent une contribution précieuse aux nombreux débats concernant la DeFi”.

Finance “désintermédiée” ou “décentralisée” ?


L’ACPR préfère le terme de finance “désintermédiée” à celui de finance “décentralisée”, notamment parce que la gouvernance de nombreux protocoles apparait selon elle “faussement décentralisée”decentralised in name only » ou DINO).

“À cet égard, certains participants à la consultation avancent une idée intéressante : c’est peut-être moins la centralisation de facto de la gouvernance qui est gênante que son éventuelle dissimulation aux utilisateurs d’une blockchain ou d’une application DeFi.”

Les solutions de l’ACPR pour réguler la DeFi


Parmi les pistes de réflexions qui ont émergé de cette consultation, la certification des smart contracts semble gagner de l’intérêt. Au-delà des solutions existantes (de type ”bug bounties”), les répondants ont indiqué que la certification serait un bon moyen de renforcer la sécurité de ces contrats soumis à des risques divers (hacks, gouvernance, manque de conformité avec la réglementation…).

Les modalités exactes de cette certification n’ont pas été précisées et feront l’objet de travaux ultérieurs. L’ACPR ne s’est pas prononcée non plus sur le fait de savoir si la certification devait être renouvelée dans le temps, et si oui à quelle fréquence.

“Plusieurs répondants avancent toutefois des pistes intéressantes en la matière (proportionnalité, « mode d’emploi » des smart contracts, remontée des incidents à une autorité centralisatrice etc.). On mentionnera également ici le concept – à explorer – de « minimisation de la gouvernance », développé par certains répondants comme un moyen de limiter les risques qu’une concentration trop importante des droits de vote pourraient faire peser sur les protocoles et les services « décentralisés » qu’ils fournissent.”

Nathalie Aufauvre, secrétaire générale de l’ACPR, estime que “cette consultation publique [nous] a permis d’approfondir notre compréhension de cet écosystème, grâce au nombre, à la variété et à la profondeur des contributions reçues. Cela rend les pistes réglementaires présentées par l’ACPR encore plus pertinentes et nous donnera l’occasion de participer aux prochaines discussions réglementaires au niveau européen”.

Un sujet étudié de près aussi par l’ESMA


Il est à noter que l’ESMA, l’autorité européenne des marchés financiers, mène elle aussi actuellement plusieurs travaux sur le même sujet de la DeFi. Elle a publié deux rapports sur la question, l’un sur les développements et les risques de la DeFi en Europe, et l’autre sur les smarts contracts.

Lors du Fintech 3.0, organisé la semaine dernière par l’Association pour le développement des actifs numériques (Adan), le sujet de la réglementation de la DeFi avait fait l’objet d’un panel, de même au DACOM, organisé par Solidus Labs à Paris. Le sujet sera donc probablement au centre des débats en 2024.


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